Parents d’enfant handicapé

GARDOU Charles (sous la direction), érès, 2012, 183 p.

« La souffrance des parents d’enfant handicapé est peu entendue, souvent mal comprise et mal interprété », affirme une maman dans l’incontournable recueil de témoignages réunis et publié par Charles Gardou en 1996,que les éditions érès ont eu l’excellente idée de rééditer. Aucun parent n’est vraiment préparé à subir cette blessure insidieuse et cette déchirure à jamais ouverte que constitue l’annonce du handicap de son enfant. Le rendez-vous rêvé se transforme en rendez-vous raté. Quand l’enfant merveilleux, parfait et conforme aux vœux fait place à un être marqué par la déficience, à un corps meurtri et à des capacités limitées, l’effet de sidération écrase le parent, en l’envahissant d’un chagrin et d’une douleur inconsolables, d’une déception et d’un désenchantement accablants, d’un anéantissement et d’un désespoir inguérissables. Il en est qui ne réussiront jamais à faire leur deuil, en s’accommodant du handicap et en supportant le fardeau que représente son accompagnement quotidien : l’énergie épuisée, les défenses érodées, les ressources vitales laminées, ils abandonneront le combat. Il en est d’autres qui, pour ne pas sombrer sous le poids de la dépression lancinante, se réfugieront dans un fonctionnement protecteur : s’oublier soi-même, en se consacrant entièrement à l’enfant et en s’installant dans une existence autarcique ou, au contraire, s’immerger dans de fortes responsabilisations extérieures permettant de fuir la confrontation quotidienne au handicap. Les comportements adaptatifs possibles vont de la négation du handicap à sa sublimation, en passant par sa minimalisation, sa vérification infinie auprès de spécialistes, voire la réparation par la conception d’un autre enfant. Les modalités de ce réaménagement dépendent d’une multitude de facteurs tels la nature du handicap, son point d’impact, son intensité, son évolutivité, sa prégnance, ses conséquences sociales, l’histoire, la structure et la composition de la famille, l’équilibre du couple et ses convictions idéologiques, philosophiques ou religieuses. Mais, l’accueil réservé par l’entourage est tout aussi important. Contrairement à bien d’autres circonstances malheureuses, l’arrivée de l’enfant handicapé ne provoque ni élan d’amitié, ni solidarité, mais l’éloignement et la mise à l’écart. Les silences frileux, les regards furtifs, les mimiques de dégoûts, les attitudes de pitié ou de commisération, les remarques blessantes sont autant de coups de poignard, quand le plus petit signe de compréhension et d’empathie est perçu comme une précieuse stimulation. Si s’effacer devant la vérité de son enfant, ne pas l’encombrer de ses propres angoisses, l’accepter tel qu’il est et ne plus vivre à sa place pour lui laisser vivre la sienne est la meilleure façon de l’aider, cette posture n’est pas toujours si facile à adopter.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1088 ■ 10/01/2013