Et si on parlait… du suicide des jeunes

Jean-Marie PETITCLERC, Presse de la renaissance, 2004, 116 p.

La drogue tue chaque année 500 jeunes, le Sida 2.500, la route 6.000. Mais le suicide est responsable de 10.000 décès, soit trois par jour.  Notre pays arrive dans le peloton de tête des cinq pays occidentaux où l’on se suicide le plus. Une enquête de l’Inserm, réalisée en 1993, faisait apparaître que 23,4% des adolescents avaient des idées suicidaires. Cela signifie concrètement que lorsqu’un enseignant donne son cours devant une classe de 30 élèves, trois d’entre eux sont en train de penser à se foutre en l’air le soir même ! Et pourtant, la prévention de ce fléau est quasiment inexistante. Jean-Marie Petitclerc nous propose ici un petit livre d’une grande sensibilité et d’une grande justesse qui contribue à compenser ce grand vide. Cet âge est propre aux grands bouleversements, explique-t-il d’abord : « mourir à l’enfance » et « naître à la vie adulte » n’est pas une mince affaire, qui serait bâclée en quelques mois, en quelques mots et en quelques maux. Durant cette période de la vie, il est tout à fait normal que la question de la mort affleure. Mais il est faux de penser qu’elle fascine. L’adolescent se représente la mort d’une manière bien différente que l’adulte : c’est peut-être moins de la mort que de la vie dont il a peur. Ce qu’il recherche dans sa tentative de suicide, ce n’est pas tant d’interrompre son existence que de la changer. Il aspire à vivre différemment, car sa réalité quotidienne lui paraît trop décevante au regard de ses aspirations. L’impuissance à maîtriser cette situation et la conviction de l’impossibilité d’y échapper aboutit à la conviction que le suicide devient l’ultime tentative pour se soustraire à un conflit devenu intolérable. L’auteur décline et illustre ces suicides qui sont autant de fuite, d’appel, de défi, de deuil ou de sacrifice. Bien sûr, chaque histoire est singulière, mais toutes ont en commun cet état de souffrance devenu inacceptable, ce sentiment de totale impuissance à peser sur le cours des choses, sinon en commettant l’irréparable. Prévenir le suicide, c’est avant tout cultiver l’art du dialogue avec les adolescents : non pas tant pour parler que pour se mettre à leur écoute, en leur donnant confiance en leur capacité à être acteur de leur vie. Mais, c’est aussi accompagner le travail de deuil de l’enfance : ne pas briser les rêves qui en sont issus, mais aller à leurs racines, pour voir ce qui est négociable avec la réalité. La mésestime de soi peut conduire à l’envie de disparaître, là où la valorisation de l’estime de soi permet de renforcer la croyance en son avenir. La prévention, c’est encore ne jamais banaliser une annonce de suicide, éviter les questions focalisées sur les « pourquoi » auquel ne sait pas forcément répondre le jeune, rejoindre les souffrances exprimées et redonner goût à la vie. Mais cela passe avant tout, peut-être, simplement, par l’attention portée à l’enfant qui grandit. 

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°774 ■ 17/11/2005