Violences des jeunes, les parents sont-ils démissionnaires?

Joëlle MARTICHOUX, PRAT éditions, 2000, 192 p.

Le propos est classique : les parents ont abandonné toute autorité face à leurs enfants, ce qui les rend responsable des acte de délinquance que ceux-ci commettent. Pour répondre à cette opinion largement répandue, le sociologue Adil Jazouli a déjà pertinemment fait remarquer que les parents ne sont pas démissionnaires, mais qu’on les a plutôt démissionnés. Les professionnels de terrain, ceux qui se coltinent au quotidien les familles en difficulté savent bien que leur problématique est bien plus complexe qu’on ne le présente habituellement. Joëlle Martichoux nous propose son témoignage qui ne se contente pas de l’avis qu’elle a en tant qu’assistante sociale mais qui nous entraîne à la rencontre de bien d’autres témoins : parents, adolescents, intervenants et spécialistes. Les familles côtoyées savent bien exprimer leur quête de recettes pour faire face à leurs enfants et leur peur de ne pas être à la hauteur. D’autant plus, que la société ne leur accorde guère le droit de ne pas savoir, de se tromper ou de tâtonner. Il y a ces parents qui sont trop pris par leur travail et ne sont pas assez disponibles. Il y en a d’autres qui sont à bout de souffle et qui se sentent abandonnés pour faire face à leurs problèmes : quand on est arrivé à se préoccuper avant tout de trouver à manger ou de dormir au chaud, l’éducation des enfants passent largement au second plan. Il y a aussi ceux qui n’ont pu se faire entendre et dont les enfants ont compris que la meilleure façon d’obtenir satisfaction consistait à tout casser ! Sans oublier ceux qui pensent qu’en étant trop sévères, ils pourraient se faire rejeter par leurs enfants. « Si l’Etat nous juge défaillants, déclarent collectivement ces parents, qu’il mette en place des initiatives qui nous permettent de mieux comprendre l’importance de la fonction parentale et les responsabilités qui nous incombent. » (p.98) D’aucuns préfèrent envisager la menace de suspension des prestations familiales. Mais, cette mesure, en apparence simple et dissuasive, pose bien des problèmes. D’abord, pour savoir qui serait le mieux placé pour arbitrer des décisions aussi graves. Ensuite, parce que ce serait placer certaines familles dépendantes exclusivement des allocations, devant la nécessité d’avoir recours à l’illégalité pour survivre. Enfin, au nom d’une sanction causée à cause d’un jeune très difficile, ce serait  punir aussi les autres enfants, qui eux, peuvent très bien avoir un comportement tout à fait correct. Non, entre le tout répressif et le tout éducatif, il y a la place pour un équilibre. Mais, pour trouver une solution qui convienne, encore faut-il consulter pour une fois les parents et les habitants, ainsi que leurs associations. Cette collaboration menée avec l’aide des professionnels permettrait peut-être de recréer le lien social si défaillant.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°549 ■ 26/10/2000