Maltraitance: maintien du lien?

GABEL, LEBOVICI, MAZET & ALL, Fleurus, 1995, 212 p.

Voilà un ouvrage qui s’inscrit bien dans l’ ’’air du temps’’. Il regroupe les interventions de la journée organisée début 1994 sur le thème du maintien des relations familiales dans les situations  de maltraitance. Tout au long de ces 212 pages, les orateurs se sont interrogés sur la pertinence et l’opportunité de préserver  ces liens.

Jean-Pierre Rosenczveig a ’’ouvert le feu’’ en se plaçant sur le terrain du droit. Si la filiation constitue bien l’élément essentiel de l’état de la personne, elle est devenue au cours des temps complexe et éclatée (puisqu’à la fois biologique, gestatrice, sociale, ,juridique et affective !).

Hubert Montagner définit cinq compétences-socle du nourrisson qui s’avère indispensables à l’épanouissement des relations de tendresse avec la mère: capacités d’attention visuelle soutenue, manifestation du besoin d’interaction, adhésion aux expressions de l’adulte, organisation ciblée du geste, enfin comportements imitatifs. Toute faiblesse dans tout ou partie de ces compétences entraînerait un risque de la part de la mère d’un désengagement affectif et de réactions négatives pouvant aller jusqu’à des phénomènes de maltraitance.

C’est justement dans ce domaine des origines de la dysparentalité que Paul Durning décrit les recherches réalisées sur le plan international. La maltraitance est-elle reproduction d’un comportement appris ou bien, l’effet de condition socio-économiques, le produit d’interactions complexes au sein desquelles l’enfant agit lui aussi sur les pratiques abusives de ses parents? Quels sont les facteurs  de risques durables et ceux plus conjoncturels. L ’enjeu est bien ici de mesurer les capacités de rétablissement de relations qui ne soient plus pathologiques.

Stanislas Tomkiewicz tout comme Maurice Berger dénoncent le mouvement de balancier qui a fait passer le secteur médico-social d’une position avant 1968 ou l’importance du lien était carrément ignorée à une volonté acharnée aujourd ’hui à maintenir l’enfant dans sa famille sans trop en mesurer les conséquences au prétexte que « la pire des familles vaut mieux qu’une rupture et un placement ».

Myriam David réfute ces positions clivés de ceux  pour qui le placement serait en soi salvateur tout comme de ceux  pour qui il faut éviter cette solution à tout prix: certaines situations rendent aussi intolérables « l’être-avec » que « l’être-sans ». Tout travail thérapeutique passe par une reconnaissance des deux termes de cette douloureuse contradiction.

Pour Pierre Verdier enfin, ce qui pose problème ce n’est pas tant la séparation parents-enfant qui est l’aboutissement de toute éducation, mais la rupture du lien familial contre la volonté des parents et dans l’incompréhension de l’enfant comme cela se passe encore trop souvent. L’enfant prend alors  toute la responsabilité  de l’évènement sur lui-même, se vivant comme mauvais.  D’où l’importance d’une préparation et d’une explication de toute séparation qui sera d’autant mieux comprise et acceptée qu’on aura chassé au préalable tout malentendu et culpabilité.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°345 ■ 21/03/1996