Plus fort que la haine

Tim GUENARD, Presses de la Renaissance, 1999, 256p.

Voilà un récit tour à tour époustouflant, terrifiant et attachant. Cet homme installé à Lourdes avec sa femme et ses quatre enfants et qui reçoit des jeunes qui lui sont confiés par des juges des enfants, a connu un itinéraire de  vie des plus impressionnant. Tout commence par l’abandon d’une mère et le désespoir d’un père qui ne se relèvera vraiment jamais de cette séparation. La belle-mère qui prend alors en charge le petit Tim s’avère une ignoble mégère qui prend l’enfant en grippe. Le calvaire va durer quatre ans : il est fait d’humiliation et de coups. Après la visite d’une assistante sociale, c’est la raclée de trop donnée par un père alcoolique et à la violence sans limites : nez, mâchoire et les deux jambes brisés à coup de manche de pioche vaudront à l’enfant deux ans d’hospitalisation. A 7 ans ½ , Tim retrouve une pleine mobilité qui lui permet d’être accueilli dans un foyer de l’assistance publique. Les cauchemars qui le terrorisent la nuit lui vaudront cette cruelle réaction d’adulte « chiales, tu pisseras un coup de moins ». A neuf ans, c’est le placement chez une nourrice, elle aussi maltraitante, qui finira par lui casser un bras. Moment de bonheur fugace, dans une nouvelle famille d’accueil qui lui apporte un peu de tendresse et d’affection. Mais, très vite, une accusation injuste lui vaut un départ vers une maison de correction. Il y est confronté à des brutes qui n’ont pour seul objectif que de briser sa résistance et de le soumettre. Le régime que les éducateurs lui font subir est fait de vexations et de passages à tabac.  Il s’en échappera à 12 ans et vivra dans la rue, y connaissant ses dangers (il sera violé par un pédophile), une vie honnête (en trichant sur son âge, il arrivera à travailler plusieurs mois dans un commerce) et un début de carrière délinquante (comme braqueur de prostituées et gigolo). Jusqu’à ce qu’il rencontre un juge des enfants compréhensif : un femme qui aura du mal à retenir ses larmes en lisant son dossier, et lui donnera sa chance. Au lieu de le renvoyer en maison de correction, elle lui propose un apprentissage comme sculpteur de pierre. C’est fou de joie que deux ans plus tard, le jeune Tim force la porte de son juge pour lui offrir le diplôme qu’il vient d’obtenir. Puis, c’est la pratique de la boxe qui lui permet d’évacuer toute sa haine avant de réussir à la contrôler. Animé d’une farouche volonté de vengeance à l’égard de son père, il arrivera à le revoir pour lui exprimer son pardon. Ce, grâce à la découverte de la religion qu’il avait jusqu’alors rejetée. De cette rencontre, on retiendra cette scène tout à fait cocasse du prêtre en soutane qui enfourche la moto conduite par le jeune homme pour un gymkhana à travers rues étroites, trottoirs, escaliers sans oublier les remontées de sens interdit sur la roue arrière. Tim Guénard témoigne au travers de sa vie que « l’homme est libre de bouleverser son destin pour le meilleur et pour le pire. »

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°528  ■ 20/04/2000