Les victimes - Violences publiques et crimes privés

Carole DAMIANI, Bayard, 1997, 218 p.

Pendant longtemps, les victimes ont été prises dans la dynamique sacrificielle qui est à l’origine de la pensée mythique et religieuse. La psychanalyse elle-même est fondée sur la primauté de la dimension psychique du traumatisme sur sa réalité extérieure. Jusqu’aux années 70, le droit écartait les victimes de l’administration d’une bonne justice. Leur présence dans la procédure judiciaire était alors perçue comme une survivance d’une conception primitive de vengeance barbare. Puis, sous la pression des associations, ont été votées toute une série de lois qui ont permis que soit mis en place un régime efficace et rapide d’indemnisation. Mais la réparation financière n’est pas tout. L’écoute et l’accompagnement humain sont tout aussi importants. Tout un réseau d’associations s’est ainsi créé (150 à ce jour) avec le soutien de la chancellerie qui les a fédérées en 1986 au sein de l’Institut National d’Aide aux Victimes et de Médiation (INAVEM). Parallèlement, à partir de 1995, on a vu se systématiser sur les lieux des catastrophes, aux côtés des secouristes, l’intervention de psychiatres et psychologues qui prennent en charge la scène traumatique et les émotions afin d’en déconnecter l’effet. La parole des témoins et victimes rencontrent là une écoute réparatrice. C’est tout ce mouvement qui fait l’objet du livre de Carole Damiani, elle-même chargée de mission à l’INAVEM et psychologue à l’association Paris Aide aux Victimes. L’auteur nous présente la « victimologie » cette nouvelle science qui cherche  à analyser le processus, les causes et les conséquences de la situation qui voit un individu devenir victime. Partie fort intéressante de l’ouvrage, celle consacrée au concept de traumatisme. Le stress, explique-t-elle, constitue la réaction la mieux adaptée de l’organisme face à une situation menaçante. Toute l’énergie disponible est alors mobilisée pour l’évaluation du risque encouru et la prise de décision adéquate. Mais au-delà d’un certain seuil, l’appareil psychique est débordé et il y a rupture dans la cohérence et la continuité du sujet: c’est le traumatisme. Il s’ensuit un syndrome qui peut se manifester de diverses façons: détachement du vécu douloureux par déréalisation, dépersonnalisation ou amnésie. Mais ce refoulement n’est souvent que transitoire et  va faire resurgir les excitations pénibles par reviviscence, cauchemars, répétitions. D’autres manifestations sont possibles: somatisation, pertes de plaisirs, troubles sexuels, honte, culpabilité... L’événement traumatique n’arrive jamais sur un terrain vierge. L’organisation psychique déjà existante amènera chacun à réagir différemment. Carole Damiani considère que la réparation psychologique s’appuie largement sur la réparation judiciaire et termine son ouvrage en donnant des pistes dans l’un et l’autre de ces deux champs.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°403 ■ 19/06/1997