Secret maintenu, secret dévoilé. A propos de la maltraitance
AFIREM, éditions Kathala, 1994, 431p
En Octobre 1993, se tenait à Lyon le congrès de l’AFIREM consacré au secret. Les éditions Kathala nous proposent ici le texte des interventions qui ont eu lieu à cette occasion. Ce n’est pas moins de 32 communications qui composent ce livre et tentent d’appréhender le sujet sous toutes ses coutures: le concept tout d’abord et ses champs d’application, le rôle du secret dans la structuration de la personnalité et l’histoire de l’enfant, le secret professionnel ensuite, enfin la révélation et le dévoilement.
« Je ne peux pas te le dire, c’est un secret », « je vais te dire un secret, mais tu ne dois le répéter à personne ». Quand un enfant positionne le travailleur social ainsi, en l’admettant ou en le laissant au seuil de la sphère des confidences, celui-ci est souvent pris d’un double mouvement. Il joue à la fois l’ouverture, écoutant avec une certaine avidité les informations qui vont lui être ainsi révélées, et à la fois le retrait, ayant peur de ne pas être à la hauteur pour les traiter correctement. C’est qu’une telle entrée en matière débouche le plus souvent sur la révélation de la maltraitance ou de l’abus sexuel. L’agresseur enferme communément la victime dans un silence associé à des menaces ou des chantages.
Le professionnel qui recueille de telles confidences doit-il à son tour transmettre ou garder pour lui ? On sait que le secret professionnel a été renforcé dans le Nouveau Code Pénal. Ce qui peut le faire hésiter ce sont les conditions parfois lamentables dans lesquelles est recueilli le dévoilement et qui provoquent alors rétractations et dénis.
Le département de la Réunion a mis au point un dispositif exemplaire englobant les forces de police et les services du Conseil Général: locaux spécialement aménagés pour sécuriser les jeunes témoins, entretiens dirigés par un Officier de Police Judiciaire secondé par une psychologue, questionnement ouvert et non-intrusif, enregistrement vidéo et audio évitant ainsi le renouvellement des déclarations.
Ce qu’a subi l’enfant laissera des traces indélébiles qui peuvent se transformer en langage corporel ou comportemental.
La psychothérapie tente d’y remédier en aidant à mettre des mots sur le traumatisme.
Pour autant, la demande faite à l’enfant de recommencer le récit de l’horreur peut parfois représenter de l’acharnement thérapeutique l’empêchant de tirer le rideau sur la scène de l’abus comme il en aurait en fait besoin.
Mais le secret, c’est aussi l’enfant issu d’un viol et qui n’a pas forcément intérêt à connaître les circonstances de sa naissance. De telles révélations ne feraient que projeter sur lui des fantasmes agressifs et le stigmatiser cruellement.
C’est encore la consultation par l’usager de son dossier administratif (Aide Sociale à l’Enfance) qui le déçoit souvent, tant il est vrai qu’il y cherche parfois bien autre chose que ce qu’il y trouve.
C’est l’accouchement sous X qui laisse l’enfant sans racines ...
Les 431 pages abordent de nombreux aspects dont on ne peut rendre compte ici d’un point de vue exhaustif.
Jacques Trémintin – Juillet 1995 – Non paru