Rêver sous les coups

BOUHAFSI Mohamed et MAILLET Géraldine, Éd. Larousse, 2021, 174 p.

De sa prime enfance, Mohamed Bouhafsi garde de terrifiants souvenirs : des allers-retours fréquents aux urgences pour recoudre une arcade ; des cris, des gifles et des dents cassés par un père alcoolisé qui cogne sa famille ; une mère battue qui donne tout son amour à ses enfants. Les soirées se suivent et se ressemblent : des bastons silencieuses, pour ne pas faire trop de vagues. Femme ou enfants, tout le monde y passe ! Des coups de poing qui éclatent une lèvre. Des balayettes qui font chuter au sol, s’éclater sur le canapé ou rebondir contre la commode. Personne ne dit rien. Juste des voisins qui ouvriront leur porte quand l’enfant ira s’y réfugier. Sa mère n’a pas de papiers et peut être expulsée, en cas de dépôt de plainte. Alors, au quotidien, c’est l’enfer. Après chaque épisode où elle se fait démolir, elle camoufle ses bleus et ses hématomes avec du fond de teint. Elle est devenue la meilleure maquilleuse du monde. Enfant, l’auteur se souvient avoir nourri des envies de meurtre à l’encontre de son géniteur, rêvant parfois de le planter avec un couteau. Après huit ans de coups, son persécuteur disparaît. Il réapparaîtra après dix-sept ans d’absence, alors que l’auteur est devenu un journaliste célèbre : sans regrets ni remords, renvoyant à sa femme la seule responsabilité de sa propre violence. Précieux témoignage d’un calvaire que peu de victimes ont l’occasion de décrire.

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1316 ■ 26/04/2022