L’adolescence au quotidien - De quelques principes utiles à l’usage des parents

Maryse Vaillant, Syros, 1997, 200 p.

Les ouvrages sur les ados paraissent avec la même fréquence que les problèmes que laisse apparaître régulièrement cette classe d’âge. Pourtant, le livre de Maryse Vaillant ne se présente ni comme un manuel pédagogique ni comme un guide centré sur un jeu de questions/réponses. Loin de toute cela, il s’agit bien plutôt d’un libre propos tenu par une femme qui tente de replonger dans sa propre adolescence, une mère qui retrace l’expérience de sa confrontation à ses enfants et d’une clinicienne plongée pendant des années dans l’univers des jeunes en difficulté. Cela donne une réflexion pleine de poésie, de mesure et de pertinence.

L’auteur parle d’autant mieux de l’adolescence qu’elle essaie de se placer sur sa longueur d’onde. Ainsi en va-t-il de la fabulation et du besoin d’avancer masqué. Aider son enfant à passer le cap, ce n’est pas tout savoir de lui, c’est respecter son intimité, ses ombres et ses coins obscurs. Tout comme cette chambre où règne le désordre et qui exprime bien la projection d’un espace personnel en plein bouleversement par rapport auquel toute intrusion parentale peut être bien funeste. Rendre sa chambre inaccessible répond alors à un vrai besoin. Ou encore cette ambivalence face à ce qui vient contenir, limiter et réduire qui peut à la fois rassurer profondément tout en faisant naître l’inquiétude voire la révolte. C’est que toutes les frontières sont en effervescence: connu et inconnu, passé et présent conscient et inconscient. Sans oublier cette bouderie qui consiste non pas à se retirer des échanges mais bien à communiquer sur son retrait comme un appel, une demande, une invitation à réagir. Que dire de l’exploration de l’interdit, la transgression des normes et des lois: quête initiatique de l’adolescent qui cherche à tester la capacité de ses parents à s’inquiéter et à réagir sans le rejeter. Les réponses qu’il va recevoir structureront ses rapports au monde.

Tout l’art parental consiste alors à savoir doser ses réactions. Ne céder ni à la panique, ni à la crainte du conflit. Il faut surtout déployer un espace de respect et de tolérance, un espace intermédiaire entre le tout-répressif et le tout-laxisme, fait de limites et de paroles. Mais être parent d’adolescent commence au biberon. C’est renoncer très tôt à la possession de son enfant et au lien sans partage. C’est d’emblée se déposséder de lui et l’inscrire dans la filiation, dans la génération.

L’auteur fait place dans son essai à la description clinique. Elle rappelle fort justement que si la génitalité commence avec la capacité de reproduction des organes sexués, la libido, elle, traverse toute l’existence. Et de nous emmener doucement mais sûrement sur les rives du monde inconscient non à partir de la rigidité d’un dogme théorique fait de croyance et de savoirs institués, mais en suivant les chemins complexes de la connaissance. Et Maryse Vaillant, de nous conter l’aventure oedipienne qui entre en somnolence à la fin de l’adolescence et qui se voit réveillé par l’entrée dans la parentalité.

L’adolescent que vous côtoyez rêve de taguer un commissariat, de devenir chanteur ou anorexique? Il souhaite partir au Népal avant les résultats du Bac, refuse de partager vos dimanches ou vient de se teindre les cheveux en rouge? Vous rêvez de l’envoyer en colo pour 6 mois ou de l’échanger contre l’enfant du voisin? Pas de panique: lisez ce livre. Il vous aidera à plonger en vous-même, meilleure façon de répondre à votre souci du moment.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°402 ■ 12/06/1997