Les éternels adolescents. Comment devenir adulte

François LADAME, Odile Jacob, 2003, 220 p.

On sait que l’adolescence est un passage entre l’enfance et l’âge adulte et qu’il n’est recommandé n’y de s’y arrêter, ni de le contourner. Mais, qu’est-ce qui caractérise la fin de cette période de vie et l’entrée dans le monde adulte ? C’est à cette question que répond ici l’auteur en insistant tout particulièrement sur les modalités qui permettent le mieux cette transition. Conditions internes d’abord (sentiment d’identité et de sécurité existentielle, assises narcissiques suffisantes, rapport équilibré entre soi et les autres, tolérance à la frustration et à l’épreuve de la réalité …) externes ensuite correspondant au cadre structurant et contenant qui entoure le sujet (famille, mais aussi société qui doivent trouver un juste équilibre entre la permanence et le changement, sans en privilégier aucun). C’est, en fait, toute la construction de l’identité qui est en jeu et qui permet d’exister face aux autres, avec la garantie que dans la rencontre, on va rester soi, on ne va pas se dissoudre, ni s’aliéner. Ce processus passe par trois appropriations : celles du corps, des pensées et des pulsions. Celle du corps, tout d’abord : l’adolescent est tenté de le contrôler étroitement. Ce qui le place dans un équilibre fragile entre ce qui le pousse à en prendre soin et ce qui l’amène à en expérimenter les limites, au risque de le mettre en danger. L’incomplète différenciation pourra l’inciter à s’y attaquer sans qu’il sache qui il agresse : lui ou l’autre. Appropriation des pensées, ensuite : l’enfant, confronté à la petitesse et l’impuissance face à l’adulte compense par la dimension illimitée de sa pensée magique. La construction aboutie de l’identité se caractérise par l’intégration de la notion de temps (passé, présent et avenir) et donc de la finitude. Cette acquisition se fait progressivement jusqu’à la puberté. Appropriation des pulsions enfin : c’est tout l’enjeu du développement psycho-sexuel au cœur duquel se trouve le lien dialectique entre le plaisir et la frustration. La sexualité de l’enfant s’origine et se satisfait du rapport à son seul corps. La sexualité adulte est bien plus difficultueuse que l’infinie simplicité de la satisfaction auto-érotique, car elle implique d’abandonner la voie courte de la jouissance autocentrée au profit de la voie longue de la conquête de l’autre. Et c’est bien cela qui est compliqué : éprouver du désir pour quelqu’un  ne signifie pas que cela soit réciproque. L’échec d’une aventure sentimentale peut inciter à un retour vers les pratiques auto-érotiques qui avaient assuré la sécurité narcissique et mise à l’abri des frustrations. Mais une fois la puberté passée, ce fonctionnement n’apporte plus les mêmes réconforts qu’autrefois et l’appétence relationnelle ainsi que la curiosité pour les autres restent plus fortes que toute aspiration à l’autosuffisance. La contradiction entre soi et l’autre entre le narcissisme et l’objet est donc bien au cœur de l’être humain.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°694 ■ 29/01//2004