Les relations fraternelles des adolescents

Eric WIDNER, puf, 1999, 236p.

Dans de nombreuses civilisations, l’aîné joue un rôle essentiel dans l’éducation de sa fratrie. En occident, sans être aussi fondamental, le lien de germanité constitue un complément non négligeable de l’action éducative des parents. Pourtant, pendant longtemps les recherches des sciences humaines sur la famille se sont centrées autour du couple et des relations parents/enfants. Eric Widner nous propose ici un ouvrage qui vient combler ce vide. Il s’attache à étudier les relations fraternelles à partir des trois universaux relationnels que sont l’antagonisme, la coopération et la différenciation.

Les oppositions fraternelles sont nombreuses tant dans l’histoire que dans la mythologie. Ces conflits sont d’autant plus fréquents que la relation de germanité n’est pas choisie.  « La différence devient productrice de conflits, si elle n’a pas l’échappatoire de l’éloignement, de la distance, de l’indifférence » (p.38) Cela peut se traduire par des attitudes violentes (même si on ne sait pas toujours distinguer entre le jeu violent et la violence directe). Celle-ci est plus marquée chez les garçons que chez les filles et a tendance à décroître avec l’âge. La coopération, second ressort de la relation fraternelle, se manifeste soit sous forme de cohésion (dans le cas d’un climat familial heureux et épanoui) soit de la coalition (qui se nourrit du conflit au sein du couple parental ou entre les parents et les enfants). Si la violence fraternelle fonctionne en miroir, les apports  se font de façon tout aussi symétrique : je frappe si tu frappes, j’aide si tu aides, je communique si tu communique. Quant à la différenciation, elle s’exprime notamment au travers des différents rôles que chaque enfant doit adopter pour arriver à trouver sa place : parent, innovateur, réconciliateur, altruiste, perturbateur, intégrateur, orienteur, animateur. La famille n’est pas un espace pacifié, mais un lieu où les acteurs négocient entre eux leurs statuts et leurs  prérogatives. On y trouve des enjeux de pouvoir et d’influence : récompense, légitimité, coercition fondent les interactions qui restent pour l’essentiel en cohérence avec l’ambiance familiale. Eric Widner définit quatre types de fonctionnement de base de la germanité. C’est d’abord la fraternité conflictuelle, basée sur des interactions violentes. C’est ensuite la fraternité consensuelle caractérisée par la qualité des échanges et une communication intense. C’est encore la fraternité contrastée correspondant à des rôles et des centres d’intérêt tout à fait distincts. Enfin, la fraternité tranquille remarquable par le peu d’échanges, de disputes et d’activités en commun. Le lien de germanité constitue donc une dynamique ambivalente faite à la fois de conflits et de proximité affective, de différences et d’amitié, de fusion et de distanciation, de volonté de s’émanciper de la tutelle parentale tout en conservant l’appartenance rassurante.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°543 ■ 14/09/2000