Les jeunes et l’identité masculine

Pascal DURET, puf, 1999, 176 p.

On ne naît pas homme, on le devient. Cette paraphrase de Simone de Beauvoir définit bien le postulat de départ de la sociologie des normes de virilité qu’illustre avec talent Pascal Duret. La virilité s’éprouve d’abord au travers de diverses activités typiquement masculines. C’est le cas du rugby pratiqué d’une manière souvent rude et violente, mais aussi de la boxe qui s’exerce au mépris du danger et des souffrances.  Le surf qui peut apparaître féminin par la grâce et la fluidité qu’il implique n’en cultive pas moins le risque et la témérité avec ses prises de risque irrationnelles sur la vague. Même la danse de rue constitue pour les garçons un contrôle de leur violence et un échange de défi. Pour autant, cette même virilité qui peut être recherchée pour démontrer qu’on est bien un homme, peut tout aussi bien être perçue comme une preuve d’infantilisme et d’arriération, un peu comme si l’individu n’arrivait pas, forme suprême d’immaturité, à contrôler ses pulsions. La liberté de pensée qui se détache des normes et des stéréotypes vient supplanter les codes d’honneur qui imposent une codification rigide. La masculinité se sépare alors de la notion de virilité. L’identité masculine se construit au travers d’un certain nombre de modèles d’identification familiaux et extra-familiaux fortement imprégnés par le contexte socio-culturel ainsi que par l’histoire. A preuve l’image donnée par l’écran : aux héros bourrus ou durs à cuir d’hier, ont succédé des personnages semblant s’en sortir surtout grâce à leur vertu individuelle et leurs mérites personnels. Support de la différenciation sexuelle, le rapport amoureux suit là aussi un système de code tout à fait particulier. Plaire aux filles ne se limite pas à leur paraître beau ou à assurer par l’argent. Encore faut-il assurer par la parole. Si le garçon est censé être à l’initiative de la « drague », les premières approches assurées par le sexe féminin ne choquent plus aujourd’hui comme cela l’aurait fait hier. La virilité implique un passage rapide à la sexualité génitale. De même, la rupture doit se faire avec le détachement nécessaire, mais sans trop cacher sa souffrance pour ne pas apparaître insensible. Pour autant, la représentation de la virilité n’a rien d’universel : elle « n’a pas une valeur homogène en fonction des groupes sociaux, du sexe et de l’âge. Ce sont les jeunes des milieux populaires, qui traditionnellement la valorisent le plus » (p.54) Dans les cités, les notions de force sont prédominantes. Encore, faut-il les combiner avec la séduction, la ruse et surtout le charme de l’éloquence. Dans les classes populaires, tout se passe comme si les valeurs masculines traditionnelles liées au physique tendaient à s’étendre au milieu féminin. Du côté des milieux aisés, les critères de reconnaissance masculine relèvent plus de la volonté ou de la confiance en soi. Les repères plus féminins liés au caractère pénètrent ainsi les représentations masculines.                                                                                              

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°495 ■ 15/07/1999