Les oripeaux des ados. La nouvelle condition subjective des jeunes

TASSÉ Louise L., Ed. L’Harmattan, 2011, 175 p.

L’ethnologie a depuis longtemps dépassé la seule étude des mœurs des civilisations premières, pour s’intéresser à d’autres populations tout aussi exotiques, nichant au cœur de nos contrées. Ce que l’anthropologue Louise L. Tassé nous propose ici, c’est une plongée dans les représentations de la jeunesse en errance qui peuple nos villes. Allant à la rencontre de ces adolescents à la dérive qui, pour être québécois, diffèrent bien peu de ceux que l’on retrouve dans toutes les autres métropoles occidentales, elle a recueilli leur parole et nous donne à voir les signes palpables, percutants et violents de la débâcle des repères du sujet contemporain. Car, pour l’auteur, c’est bien la disparition des grands récits de légitimation et la sommation faite aux individus de se faire eux-mêmes qui sont à l’origine des phénomènes psychopathologiques émergeant depuis quelques décennies que sont les violences adolescentes, la toxicomanie, l’anorexie, de la boulimie, la dépression et les attaques de panique. Et de faire de la drogue, de l’errance et du phénomène des gangs les arêtes historiques, politiques et philosophiques d’un profond malaise sociétal. Mais, l’auteure ne fait pas qu’incriminer la modernité. Elle note tout autant la fréquence chez les jeunes qu’elle a rencontrée d’un vécu, dans leur famille, fait d’abus, d’abandon, de rejet, de séparation, de mensonge, de déracinement, de renversement et de pervertissement des rôles, de mauvais traitements, de violence physique et verbale, de toxicomanie, de douleur et de mort. Si vivre dans la rue renvoie donc à l’impossibilité de se sentir appartenir à une autre communauté que celle du groupe de pairs susceptibles de fournir les figures réparatrices et identitaires, cela permet tout autant de combler le manque vécu jusqu’alors et de trouver une place que n’ont pu offrir ni la famille, ni l’école.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1162 ■ 30/04/2015