Souffrances dans l’adoption. Pistes pour accompagner les adoptés et les adoptants

SELLENET Catherine, Editions De Boeck, 2009, 213 p.

Le dernier ouvrage de Catherine Sellenet résonnerait-il comme un coup de tonnerre dans un ciel serein ? Mais le firmament n’est immaculé que pour ceux qui refusent de voir les nuages qui s’accumulent depuis des années. C’est que la rumeur enfle : il y aurait de plus en plus d’échecs d’adoption. On évoque des chiffres allant de 2 à 40%. L’auteure prend ici le sujet à bras le corps et nous livre l’une des rares études sur une problématique longtemps taboue. Un travail riche, détaillé et approfondi qui, sans prétendre à l’exhaustivité, fournit néanmoins un abondant matériau favorisant la compréhension de la question. Bien sur, il apparaît nécessaire de se méfier des causalités linéaires et des lectures univoques. Pour autant, plusieurs facteurs qui s’enchaînent dans une spirale interactive peuvent être évoqués. Le premier élément relève de l’illusion voulant que l’adoption puisse tout résoudre par elle-même. Elle se doit de réussir : l’enfant adopté illustre la revanche du plus faible. Il doit surprendre par son intégration fulgurante et ses capacités à trouver sa place au plus vite dans sa nouvelle famille. « Tout est rose, la violence n’est pas de mise, la rencontre est le plus souvent magnifiée » (p.22). Tout revers provoque une recherche de responsables qui passe par la diabolisation des mauvais parents, des mauvais enfants ou des mauvais professionnels. Second facteur, l’ignorance voulant faire croire à un enfant ne pouvant qu’accepter la main qui lui est tendue. Son refus de l’adoption interroge la capacité de l’adulte à entendre ses ancrages antérieurs, sa non mobilisation et ses capacités à être acteur y compris dans son opposition au projet qui est fait pour lui. Troisième facteur, l’accélération du temps qui suit l’arrivée de l’enfant et la précipitation dans les demandes de familiarités qui tournent le dos au nécessaire apprivoisement progressif et à la prise en compte des éventuelles différences culturelles. Quatrième facteur, l’occultation de ce qu’a pu vivre l’enfant. L’accumulation de ruptures et de déracinements bloque parfois la capacité à se projeter dans de nouveaux liens. Même si tous ceux qui sont adoptés ne sont pas abandonniques, certains présentent une telle avidité, une crainte si intense de perdre leur nouvel objet d’amour qu’ils peuvent se montrer difficilement capables de s’abandonner à la douceur de l’étreinte et préfèreront parfois même détruire le lien qui leur est proposé, de crainte de connaître à nouveau le délaissement. Pour l’auteure, il n’y a pas pourtant de fatalité dans l’échec. Elle propose d’établir un diagnostic aussi complet que possible de l’état mental, physique émotionnel et relationnel de l’enfant, afin de définir son adoptabilité et le profil de la famille qui pourra le mieux l’accueillir.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°926 ■ 23/04/2009