L’enfant face à la mort d’un proche. En parler, l’écouter, le soutenir

Patrick BEN SOUSSAN, Isabelle GRAVILLON, Albin Michel, 2006, 131 p.

Notre société épris de jeunesse et de beauté veut à tout prix cacher la mort aux yeux des plus jeunes. Il est vrai que la confrontation à cette épreuve est plus facile quand la maturité donne des capacités psychiques pour y faire face. Mais on a trop pris l’habitude de protéger nos enfants, en leur proposant un monde sans frustration, sans solitude, sans absence, sans malheur, sans perte, sans séparation. C’est là, une grave erreur : le risque est grand alors de ne pas les préparer à surmonter les épreuves normales de la vie, dont la mort fait partie, quand bien même elle arrive trop tôt. Autre erreur : croire qu’ils ne sont pas en capacité de percevoir ce qui arrive. Ils sont dotés de véritables antennes qui leur permettent de ressentir que quelque chose de grave est en train de se passer. Face à une situation qu’ils ne comprennent pas, ils vont bâtir leurs propres hypothèses, échafauder leurs propres explications qui peuvent être bien pires. Au prétexte d’éviter un présumé traumatisme, on crée un profond malaise qui lui est bien réel. Aussi difficile que cela puisse être, il faut leur dire la vérité, car le mensonge risque de faire plus de dégâts que l’explication de la réalité.  A chacun ensuite de moduler ses propos et de choisir ses mots entre le silence et la parole un peu trop crue, trop brutale, à la précision trop anatomique qui pourrait heurter. Il faut tout autant proscrire les classiques métaphores qui leur font croire que le proche serait parti en voyage, au ciel ou dans les étoiles. De même, il ne faut pas craindre de montrer le corps de la personne décédée. Contrairement à ce qu’on imagine souvent, cette vision n’occultera pas celle du parent joueur, sportif, joyeux qu’il était jusque là. Cette image ne constituera qu’une des pièces d’un puzzle qui ne pèsera pas bien lourd au regard des expériences communes vécues dans le passé, de tous les bonheurs emmagasinés en mémoire. L’enfant a surtout besoin de faire la synthèse entre ces différentes représentations. La mort d’un proche est un évènement d’une telle violence qu’il est difficilement admissible pour le psychisme humain. L’enfant n’échappe pas à cette épreuve. Mais il la vit, à sa façon. Il pourra réagir d’une manière différée, ayant besoin de temps pour assimiler l’information. Il pourra aussi adopter des attitudes très décalées, en se montrant en apparence indifférent. Mais le chagrin est toujours là, tapi au fond de lui, prêt à resurgir à la première occasion. Il pourra aussi montrer sa colère contre le défunt. Respecter l’enfant en tant que protagoniste à part entière du processus de deuil nécessite non seulement d’accepter son rythme propre, mais aussi de le faire participer au groupe qui va accompagner la personne défunte, montrant ainsi que le disparu est toujours bien vivant dans le cœur de ses proches.

 

 Jacques Trémintin -  LIEN SOCIAL ■ n°824 ■ 18/01/2007