Les enfants de l’autonomie

Jean-Jacques Crèvecoeur, Jouvence Editions, 2000, 252p.

Qu’est ce que l’autonomie ?  C’est quand l’individu est en capacité d’identifier ses besoins, de les nommer et de choisir les comportements à partir desquels il arrivera à les satisfaire, répond l’auteur qui établit une distinction claire entre besoins et désirs. Les premiers correspondent aux aspirations fondamentales de l’individu : ce sont les besoins physiques, mais aussi de sécurité, d’appartenance, de reconnaissance et de réalisation personnelle bien décrits par Maslow, et qui doivent toujours être satisfaits. Les désirs, quant à eux, sont plus la concrétisation des solutions choisies pour satisfaire un besoin. De ce fait, ils ne sont pas toujours justifiables, puisqu’ils peuvent être multiples : on peut en laisser un pour en choisir un autre plus adapté. L’essentiel est bien d’identifier quel est le véritable besoin qui se cache derrière le désir. On doit apprendre à reconnaître l’émotion positive ou négative comme l’expression  de ce mécanisme et faire en sorte de répondre au vrai besoin et devenir plus autonome à son égard en arrivant à le satisfaire. Tout le travail d’éducation passe par le repérage et la reconnaissance de cette dynamique. Cette approche est conditionnée par la vision du petit d’homme non comme un vide à remplir, mais bien comme un potentiel à révéler. Et l’auteur, d’en appeler à la maïeutique socratique en nous invitant à devenir accoucheur, détonateur et catalyseur des capacités présentes chez l’enfant. Mais, cette approche est tout autant conditionnée par la capacité d’introspection : comment en effet agir positivement sur l’enfant, si on n’a pas fait soi-même le travail personnel nécessaire ? L’enfant ne peut devenir autonome si l’adulte qui est en face de lui n’a pas acquis sa propre autonomie. On ne peut faire émerger chez lui tout son potentiel, si on n’a pas su révéler le sien propre ! Et, en la matière, on transmet bien plus, ce que l’on est que ce que l’on dit. D’où l’importance de bien décoder ce qui se joue en son for intérieur et ce que l’enfant fait raisonner en soi, dans sa propre histoire familiale. Prendre conscience de ses propres blessures et de celles que nous infligeons apparaît, dès lors, comme un travail incontournable : se mettre à l’écoute de soi, se faire confiance, reconnaître et accepter ses blessures, s’autoriser la différence et l’imperfection sont des pistes qu’explicite l’auteur en s’inspirant de Karl Jung qui incitait à transformer notre plomb intérieur (épreuves et névroses) en or alchimique (enrichissement et expérience). L’auteur propose ici un livre simple que l’on peut et que l’on doit s’approprier en y piochant ce qui nous permet d’avancer. C’est à chacun de trouver son chemin, c’est une éthique ici explicite « ne jamais se prétendre détenteur d’une vérité unique à dispenser à des « apprenants » ignorants » (p.12)

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°586 ■ 30/08/2001