Histoire des enfants des années 1890 à nos jours

ALARY Éric, Éd. Passés composés 2022, 335 p.

Jusqu’alors, les enfants étaient rarement désirés, leur naissance relevant de la fatalité. A compter de la fin du XIXème siècle, ils commencent à devenir objet d’étude et d’attention. Difficile, pourtant, de proposer une synthèse globale : il y a autant d’enfances qu’il y a d’enfants. La monographie d’Éric Alary relève ce défi, avec pertinence. Le renouveau des pratiques de puériculture venant relayer le savoir-faire ancestral des matrones, les effets des vaccins et des mesures hygiéniques faisant baisser régulièrement la mortalité infantile, une scolarisation se généralisant progressivement : autant d’évolutions qui marquent un changement dans le regard porté sur une enfance qui est de moins en moins assimilée à un âge adulte en miniature, même si le parcours n’est pas le même à la campagne et en ville, dans un pays encore largement rural qui utilise les enfants comme force de travail. Deux épisodes dramatiques vont éprouver physiquement et physiologiquement les plus jeunes. Les deux guerres mondiales accumulent de nouvelles épreuves : bouleversement de l’équilibre familial, pénurie alimentaire aggravant sous-nutrition pour les plus pauvres, militarisation de l’instruction. Le nombre d’orphelins explose. Le taux de natalité, déjà fragilisée, s’effondre. Il faudra la puissante politique nataliste des années 1940, pour le faire remonter, produisant le « baby boum ». Puis la société connaît des mutations inconnues jusqu’alors. La maîtrise des naissances, la vulgarisation des connaissances sur le petit d’homme, l’amélioration de l’habitat permettant à chacun d’avoir sa chambre … l’enfant devient un être à part entière, fruit du désir, passant d’objet réifié à sujet personnifié. Le mineur dépendant et soumis s’est transformé en un mineur toujours dépendant certes, mais doté de droits.

 

 Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1331 ■ 17/01/2023