La famille

Michel FIZE, le Cavalier bleu, 2005, 124 p.

La famille constitue une réalité à la fois subjective et objective. Les formes familiales imaginées par l’espèce humaine ont été nombreuses, donnant lieu à de nombreuses typologies, sans que l’on puisse se mettre d’accord sur une définition générale qui fasse l’unanimité. On ne peut dater son origine, ni l’ordre d’apparition avec les autres modes d’organisation. On peut seulement le faire correspondre sa généralisation avec la désagrégation du clan. Cette évolution est à relier avec une division du travail et un développement économique qui ont nécessité le remplacement des relations libres et volontaires par des rapports contraints et hiérarchisés sous l’autorité d’un chef investi de toute puissance. La famille traditionnelle que l’on connaît aujourd’hui, basée sur la cellule nucléaire n’a pas toujours existé. Elle a fini par s’imposer, mais finalement assez récemment, la famille souche qui faisait cohabiter plusieurs générations ayant longtemps été la forme dominante. On parle aisément de crise de la famille. Même si c’est là un thème récurrent qui revient régulièrement depuis que Polybe en fit le premier la remarque, 150 ans avant Jésus Christ, on ne peut nier les mutations en cours. La famille contemporaine est moins institutionnelle que relationnelle. Elle a intégré la parentalité plurielle et la filiation multiple. Le mariage n’est plus l’acte fondateur du couple : sur dix mariages, neuf vivaient déjà en concubinage auparavant. De fait, chaque année, 450.000 couples de concubins se forment chaque année, contre 300.000 qui se marient. Ce qui fait la famille, c’est l’enfant. Ce qui le démontre le mieux c’est la montée en puissance de la reconnaissance par le père après la naissance: à l’âge d’un mois, c’est 83% qui le sont aujourd’hui, contre un tiers en 1965. La famille a toujours eu trois fonctions essentielles : reproduction sexuelle, apport de savoirs et éducation. Dans nos société occidentales, elle n’est d’abord plus le lieu privilégié de la filiation : fécondation in vitro, adoption, naissance hors mariage, quand ce n’est pas hors couple ne sont plus des exceptions, sans être pour autant devenus bien sûr majoritaires. L’apport familial de connaissances est largement concurrencé par bien d’autres media, à commencer par l’école, mais aussi la télévision ou la presse. Quand à la transmission de normes et de valeurs, les parents sont frappés d’impuissance. On ne peut pas dire qu’ils ont démissionné, mais ils sont souvent dépassés, déstabilisés face à un enfant n’est plus l’objet d’autrefois, étant devenu le sujet de son éducation et y participant activement. Malgré tous ces bouleversements, la famille reste le premier lieu où l’individu vient se mettre à l’abri, quand la crise sévit au-dehors. Ils sont pas moins de 87% à la plébisciter chez les 15-29 ans comme une valeur sûre. Les difficultés de vie ont souvent été corrélées avec des carences familiales dans l’enfance. La famille serait-elle comme le phénix, à renaître perpétuellement des ses cendres ?

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°781 ■ 19/01/2006