Médiation familiale, regards croisés et perspectives

Annie BABU et all, érès, 1997, 272 p.

Le divorce a été institué en 1792 en même temps que le mariage civil. La Restauration le supprime en 1816. Il ne réapparaîtra qu’en 1884 mais uniquement pour fautes. Jamais aucun texte ne proposera une législation aussi avancée que celle votée par les Conventionnels. Ce n’est qu’en 1975 que la séparation par consentement mutuel deviendra à nouveau possible. L’évolution du droit de la famille ne s’est pas arrêtée là. Toute rupture familiale impliquant la nécessaire reconstruction des rôles parentaux, il est apparu que la meilleure façon d’y parvenir n’était pas forcément de s’enfermer dans une logique de camps retranchés avec les enfants enrôlés à leur corps défendant dans une stratégie de rapport de force qui les dépasse. Emerge alors une expérience tout à fait innovante dont les précurseurs se trouvent chez nos cousins québécois : la médiation familiale. Le livre des éditions érès a été écrit à plusieurs voix : philosophe, médiatrice, responsable d’association de parents, juge, avocate, chargées de mission au ministère qui ont participé en tant que pionniers à l’introduction de cette pratique en France apportent chacun leur éclairage. Le médiateur, expliquent-ils, est “ un tiers neutre, impartial et compétent, qui vise à rétablir un minimum de communication et, par un processus structuré qui demande du temps, amène les parties en présence à rechercher et définir elles-mêmes les accords mutuellement satisfaisants. ” (p.16) On se situe bien là dans une logique qui relève ni du consensuel (nier les conflits), ni du rapport de force (les exacerber), mais bien de la capacité à se déprendre de sa propre représentation pour écouter celle de l’autre. La médiation se propose d’aménager un espace où les points de vue vont s’échanger, où les règles familiales vont se renégocier, où les frontières vont être redéfinies et ce dans un esprit d’autodétermination où ce sont les acteurs qui élaborent leurs propres solutions. Il faut, on se l’imagine, au médiateur, tout le savoir-faire du professionnel de la relation pour accompagner ce cheminement, reformuler de façon positive les propos parfois agressifs des uns et des autres, modérer et réguler la communication. Mais aussi habile soit-il, il ne peut faire de miracle. Son action n’est possible que si la décision de séparation a déjà été prise, que si les deux conjoints sont volontaires et si la garantie de confidentialité des entretiens permette la relation de confiance. Mais, les auteurs le soulignent eux-mêmes : “ il serait illusoire, utopique, voire dangereux de croire que la médiation familiale peut régler à elle-seule cette problématique à la fois individuelle, conjugale et sociétale. ”(p.87)

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°455 ■ 24/09/1998