Les pères en débat. Regards croisés sur la condition paternelle en France et à l’étranger

Sous la direction de Catherine SELLENET, érès, 2007, 190 p.

La figure du paterfamilias détenteur d’une autorité sécurisante et structurante laisse à certains beaucoup de nostalgie. Son remplacement par l’image d’un père absent, physiquement ou psychiquement inatteignable, semble être porteur de bien des maux. C’est sans compter sur une double dimension d’une fonction qui comporte à la fois une juste puissance garante de la différenciation et de la loi, mais aussi une toute puissance archaïque et violente. Les représentations laissées par les contes traditionnels de ces pères d’autrefois laissent à voir des personnages soit lointains et inaccessibles, soit présentant des dangers pour leur progéniture : « notre enfance a été bercée d’histoires d’ogres, de rois et de seigneurs, de bûcherons et de bourgeois rarement en position de héros » (p.119) Si l’on abandonne la référence mythique à ce père idéal, on peut aussi découvrir bien des attraits à celui d’aujourd’hui. Certes, le chômage qui le frappe parfois ainsi que les nombreuses mères qui occupent un emploi salarié lui ont fait perdre son monopole comme pourvoyeur de moyens de subsistance, ce qui n’a pas manqué d’affecter son image. Mais, le désir d’enfant lui a été reconnu comme une source à part entière d’émotions et de plaisirs. « Le devenir père comme le devenir mère réveille des affects archaïques, des angoisses primitives, des désirs enfouis ou refoulés de toute nature » (p.70) Mais les hommes étaient jusque là cantonnés à la seule fonction de transmission généalogique. Ils semblaient n’avoir pour seule ambition que d’inscrire le nouveau venu dans une temporalité, en lui donnant son nom et en l’intégrant dans une lignée. Dorénavant, sa présence effective auprès de l’enfant, dès sa naissance, le déploiement de son affectivité et de son dévouement lui permettent tout autant de trouver sa place. Si les mères le font depuis longtemps déjà, les pères se voient reconnus le droit d’explorer le registre émotionnel de leur condition. L’autorité c’est le père, la douceur c’est la mère : voilà des préjugés qui ont perdu de leur pertinence. Certes, les ouvrages de conseils éducatifs à destination des parents continuent à faire de la maternité un devoir et de la paternité une option. Mais un mouvement de fond qui nous vient du Québec commence à considérer les deux parents comme tout aussi compétents l’un que l’autre dans les activités éducatives et à aider les pères à assumer leur paternité. Cette nouvelle donne se retrouve aussi chez les beaux-parents que la tradition a longtemps stigmatisés comme « parâtre » ou « marâtre ». Si le respect de la parenté d’origine implique un minimum de réserve pour éviter le risque de se substituer le parent absent, en le niant, il arrive néanmoins que beau-parent et bel-enfant s’adoptent mutuellement dans une relation affective intense et authentique qui fait largement place, là aussi, à l’écoute, à l’attention et à la transmission de valeurs.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°843 ■ 07/06/2007