Il n’y a pas de parents parfait

Filliozat Isabelle, JC Lattès, 2008, 306 p.

Etre parent est une aventure merveilleuse qui ne manque toutefois pas d’être éprouvante tant physiquement qu’émotivement. Il faut en finir avec le mythe du parent qui sait toujours ce qu’il faut faire pour y arriver et de l’enfant qui vient combler les attentes placées en lui. Certes, on en trouve … surtout dans les familles d’en face qui semblent si harmonieuses … vues de loin ! Au quotidien, ce n’est jamais aussi simple. Certains parents acceptent les abîmes de perplexité dans lesquels les plongent leur rejeton. D’autres optent pour des convictions autoritaires et rigides. Quoiqu’il en soit, « nos attitudes éducatives ont peu à voire avec la science, l’expérience ou la raison » pose d’emblée l’auteur. Ce qui nous meut dans nos relations avec nos enfants, ce sont des automatismes liés à la force de l’inconscient ou des non-dits issus de secrets, ce sont aussi les émotions refoulées, les rancoeurs accumulées et les douleurs inexprimées datant de notre propre enfance. Ces blessures guident inconsciemment nos réactions. Plus on a été respecté alors qu’on était enfant, plus on adoptera une attitude respectueuse. Il en va de même de la compulsion à humilier, dévaloriser, crier, juger et frapper : c’est la projection de nos fureurs passées, colères d’autant plus majorées que nous avons été frustré de n’avoir jamais pu le dire. « Guérir notre propre histoire nous aide non seulement à aimer nos enfants, mais leur rend la liberté d’être eux-mêmes » (p. 211) La première étape pour changer consiste à regarder nos abus de comportement comme tels. Et d’arrêter, par exemple, de rationaliser nos emportements, au lieu de reconnaître qu’on a juste libéré une tension qui nous appartenait. C’est aussi d’accepter l’idée qu’on ne soit pas toujours disponible comme on le souhaiterait à nos enfants : des difficultés financières, une menace de chômage, une maladie personnelle ou celle d’un proche, des angoisses … Leur cacher nos problèmes ne fait qu’accroître leur inquiétude : ils culpabilisent, pendant que notre état serait de leur responsabilité. Sans les prendre pour autant comme confidents, on peut néanmoins les tenir informés. Il arrive aussi qu’un parent ne donne pas le même amour à chacun de ses enfants, ou qu’il n’aime pas l’un d’entre eux. Aveu quasiment impossible à se faire et/ou à reconnaître. On a tellement naturalisé le lien filial, qu’on refuse cette idée. Pourtant, celui ou celle qui ne réalise pas ce qu’on avait rêvé pour lui ou elle, qui renvoie au parent une image dégradée de lui-même ou, au contraire, qui est en voie de le dépasser peut provoquer une réaction d’hostilité qu’il faut d’abord accepter pour essayer ensuite de la dépasser. Dans la continuité de ses ouvrages précédents, Isabelle Filliozat le répète inlassablement : ce ne sont pas les émotions qui sont déstabilisantes, mais leur répression ou leur explosion anarchique.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°883 ■ 08/05/2008