Choisir la paternité gay

GROSS Martine, Ed. érès, 2012, 289 p.

Certes, l’étude réalisée par Martine Gross, auprès de cinquante adultes gays déjà parents et vingt en projet de l’être, n’est pas a proprement parler objective. Mais, l’ambition de l’auteur n’est pas tant de démontrer la légitimité de l’homoparentalité qu’elle tient pour acquise, que de mieux comprendre comment elle fonctionne. Et c’est vrai que la lecture de son ouvrage ne peut qu’emporter la conviction, tant son argumentaire est riche, documenté et structuré. Si la paternité gay enchevêtre des dimensions à la fois juridique, intergénérationnelle et symbolique, la dissociation de la sexualité d’avec la procréation qu’elle implique constitue un véritable laboratoire anthropologique. La parentalité biologique en vient à perdre sa prééminence sur la parentalité sociale. La filiation se détache de la seule transmission des gènes, s’identifiant tout autant à la capacité d’investissement et à l’inscription de l’enfant dans sa lignée. La dichotomie entre une mère soi-disant seule à même d’apporter l’attachement et les soins affectueux et un père se centrant sur l’autorité s’estompe. Quelles que soient les modalités prises par la paternité gay, on accède à une autre manière d’être parent. Prenons la co-parentalité entre deux couples formés respectivement de deux femmes et deux hommes qui décident de recourir à une insémination artificielle avec donneur (IAD), l’un des hommes fournissant ses gamètes et l’une des femmes son utérus. A défaut d’être le produit de leur amour, l’enfant à naître aura un père et une mère biologiques. Cette solution en vogue pendant un temps se heurte toutefois à la nécessaire bonne entente des quatre adultes qui doivent déployer les uns envers les autres attention, empathie, souplesse, franchise, acceptation réciproque, ce qui n’est jamais gagné d’avance. C’est pourquoi bien des couples s’orientent volontiers vers d’autres pistes. L’adoption, d’abord, légalement possible pour un célibataire. Mais, outre les préjugés discriminants pouvant toujours frapper les candidats ne cachant pas leur orientation homosexuelle, pour un enfant adoptable (tant au niveau national qu’international), treize ménages agréés sont en attente. Les opportunités ne sont donc pas légions. D’où la vogue de la gestation pour autrui (GPA), autrement dit, le recours à des mères porteuses. Interdite en France, cette procréation est légale dans certains États américains, mais aussi en Inde ou en Russie. Très onéreux dans les premiers, cette modalité est plus abordable dans les seconds, mais bien moins fiable. Martine Gross nous décrit les relations vécues avant et après la naissance entre, d’un côté, les futurs parents gays et de, l’autre, la mère porteuse et sa famille. Ce récit, pour être surprenant, est d’autant plus séduisant qu’il nous ouvre à des formes de parentalité légitimes.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1082 ■ 15/11/2012