Bruno Bettelheim ou la fabrication d’un mythe. Une biographie

Richard Pollack, éditions les empêcheurs de penser en rond, 2003, 528 p.

La lecture de cette biographie de Bettelheim est stupéfiante. On y découvre sans haine, mais aussi sans aucune concession, la dénonciation d’une mystification digne des pires gourous. Le célèbre psychanalyste y est présenté comme un menteur congénital qui a passé toute son existence à falsifier son passé et son itinéraire. Né d’une famille bourgeoise viennoise, Bettelheim doit abandonner ses études pour reprendre, à la mort de son père, l’entreprise de négoce de bois qu’il lui a laissé. Les 12 ans qu’il passe comme entrepreneur vont devenir plus tard une longue période d’étude qui aboutira à de soit disant doctorats en philosophie, histoire de l’art et psychologie (ces titres lui permettant de prétendre à un poste d’enseignant à l’université). Face à la montée du nazisme, Bettelheim tarde à fuir l’Autriche, refusant d’abandonner ses biens : il est arrêté et déporté en camp de concentration. Ce départ tardif deviendra, par la suite, un acte d’héroïsme, lié à un prétendu engagement comme officier de l’armée clandestine. Gina Bettheleim, accueille au domicile familial Patsy, une petite fille à la personnalité difficile. Cette enfant deviendra plus tard l’un des trois petits patients autistes hébergés auprès desquels le thérapeute prétendra avoirexpérimenter ses méthodes cliniques (le concept d’autisme ne sera conçu qu’en 1943, soit une bonne dizaine d’années après le séjour d’enfant qui auraient été diagnostiqué comme tel !). Libéré des camps en 1939, Bettelheim émigre aux USA. Il deviendra directeur de l’école orthogénique de Chicago en 1944. Il s’y comporte dès le début de façon totalement tyrannique et colérique. Il fascine les éducatrices qui y travaillent exerçant sur elles un contrôle manipulateur (il les reçoit en thérapie les unes après les autres). En 29 ans de direction, pas une seule étude de suivi ne sera réalisée sur le devenir des enfants accueillis. Ce qui ne l’empêchera pas, dans des livres ressemblant plus à de merveilleux contes qu’à d’authentiques études scientifiques, de proclamer la guérison définitive de ses anciens pensionnaires. Bettelheim s’avère un paradoxe vivant : chantre de l’anti-autoritarisme et de la non violence en éducation, il se montre dans le quotidien avec les enfants particulièrement autoritaire et violent, n’hésitant jamais à les frapper. Plusieurs jeunes fille révéleront après sa mort avoir été victime d’attouchements sexuels de sa part. Devenu le grand spécialiste de l’autisme, il contribuera largement à désigner les parents et plus particulièrement les mères comme responsables des difficultés de leurs enfants. Façon peut-être de régler son compte avec sa propre mère qu’il accusera de ne s’être jamais occupé de lui et de l’avoir abandonné à des nourrices ? Que reste-t-il de la statue du commandeur ? Un personnage finalement assez pitoyable et bien peu recommandable !

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°721 ■ 16/09/2004