Les usagers au secours de la psychiatrie. La parole retrouvée

BAILLON Guy, érès, 2009

Dans un style parfois un peu trop discursif, Guy Baillon ne nous propose pas moins un éclairage tout à fait intéressant sur la psychiatrie. Bien sûr, il y a ces banderilles qui feront grincer quelques dents. Comme ce regret sur l’absence de modestie et d’incertitude qui devraient pourtant constituer la base de cette discipline ou la critique sur sa prétention à vouloir répondre à tous les besoins de la personne malade mentale. Autre pique combien pertinente pour tous ceux qui ont été confrontés à l’argument de l’« absence de demande », le constat d’un fonctionnement en miroir : si le malade est dans le déni du trouble qui l’atteint, le psychiatre est tout autant dans le déni du fait que son patient soit dans l’impossibilité de faire une demande de soin qui nécessiterait l’impossible prise de conscience préalable de ses difficultés. Sans oublier l’ironie mordante portant sur les plaintes quant à la prétendue déshérence d’une profession qui a pourtant connu, dans la fonction publique, une progression de 800 à 4.000 postes entre 1965 et 2001, sans commune mesure avec sa propagation dans le privé, avec  les 9.000 psychiatres installés de préférence en région parisienne et dans le sud ! Mais le fondement de la démonstration de l’auteur n’est pas là. L’éthique qu’il revendique s’appuie sur l’incontournable intrication du corps, de la vie cérébrale et du mode de relation à l’autre : le point de départ de toute démarche de compréhension du handicap psychique, affirme-t-il, ne peut être ni un trouble, ni une fonction ou un organe, pas plus qu’un tissu ou un comportement, mais bel et bien la personne dans sa globalité et son intégrité impliquant l’ensemble de ses dimensions à la fois corporelles, psychologiques, contextuelles et relationnelles. La force de son propos tient tout autant dans la réhabilitation de la folie qui, pour occuper une partie de la conscience individuelle, n’obère pas pour autant la partie saine de la personnalité : « actuellement, la parole d’une personne ayant un trouble psychique tombe sous le signe de la permanence de son invalidité » (p.430) regrette-t-il, en se félicitant de l’émergence des associations d’usagers malades mentaux. S’en prenant aux amalgames faits entre folie et criminalité (il n’y a proportionnellement pas plus de criminels chez les malades mentaux que dans le reste de la population), il dénonce cette peur qui stigmatise. Encore, rappelant la loi du 31 décembre 1970 qui instaura la séparation entre la santé dévolue au secteur sanitaire et la prise en charge de trois populations (celle des vieillards, de l’enfance et du handicap) par le secteur médico-social, l’auteur revendique le rapprochement de ces deux champs qu’il considère comme indissociablement liés. A méditer.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°933 ■ 18/06/2009