Comprendre la psychiatrie communautaire

LASSERRE Henri, Chronique Sociale, 2008, 96 p.

La psychiatrie a fait l’objet d’une intense et puissante vague de critiques dans les années 1960. On lui reprochait de se limiter à des fonctions de réclusion et de protection de l’ordre publique, en enfermant la folie pour mieux la domestiquer. Et son rôle thérapeutique d’être largement altéré par l’exil et la dépossession de soi imposé aux patients. L’asile est alors un univers totalisant (voire totalitaire), tutélaire et mortifère où les malades s’entassent dans des dortoirs à 50, passant leur journée à tourner en rond ou à se balancer, dans une atmosphère envahie par les plaintes, les hurlements et les injures. Des infirmiers peu formés ont la lourde responsabilité de maintenir l’ordre, en utilisant pour cela des moyens de contention, dont la camisole de force. La psychanalyse va révolutionner ce monde, en introduisant un tout autre mode relationnel entre les soignants et les patients. Deux évolutions majeures marquent cette période : la psychothérapie institutionnelle qui essaye de soigner l’institution et la psychiatrie communautaire. C’est à ce dernier thème que se consacre ici l’auteur, en s’appuyant largement tant sur les écrits de l’un de ses principaux inspirateurs (Jacques Hochmann), que sur des expérimentations de terrain tel celle du Cerisier à Lyon. La psychiatrie communautaire propose au patient une participation réelle à un travail thérapeutique dans lequel il garde une grande part d’initiative. Elle cherche avant tout à le maintenir dans des circuits normaux et à éviter son enfermement. L’hospitalisation à domicile est son modèle favori : il s’agit de soigner le patient dans son milieu naturel avec la participation de ce dernier. Il arrive toutefois que certains troubles nécessitent un placement temporaire. Mais, c’est le soin extrahospitalier qui est privilégié au sein de structures légères et souples implantées dans le tissu urbain. Ce collectif soignant proche du cadre familial doit rester faiblement hiérarchisé. Pour la psychiatrie communautaire, ce qui importe, c’est plus l’impact relationnel que l’effet médicamenteux. La vie sociale du service est utilisée comme un outil thérapeutique, tout comme la capacité de soutien mutuel au sein d’un groupe dont le vécu émotionnel est mis à profit. Mais l’outil principal reste néanmoins la relation individualisée, avec ce que celle-ci peut impliquer en terme de tentations de symbiose, d’investissement narcissique de l’autre ou d’identification projective. C’est pourquoi la thérapie basée sur cette dualité doit toujours être triangulée par l’intervention d’un tiers. A l’heure où le manque de moyens pèse sur les choix stratégique en santé mentale, privilégiant l’approche de réduction des symptômes, cette psychiatrie communautaire propose des repères à ne pas perdre de vue.

 

Paru dans LIEN SOCIAL ■  n°958 ■ 28/01/2010