Les nouveaux objets transitionnels. Du doudou de Winnicott à l’Iphone de Jobs

MARCELLI Daniel et LANCHON Anne (sous la direction), Ed. erès, 2016, 144 p.

Le doudou, enfants et parents le connaissent bien : c’est cet objet de préférence mou pouvant être modelé, trituré, caressé, mordu, abandonné le temps d’un jeu puis retrouvé, humé et serré tendrement. En 1951, Winnicott expose pour la première fois sa théorie de l’objet transitionnel qui désigne ce processus par lequel s’établit un continuum du lien relationnel, une communication entre le monde intérieur et le monde extérieur et l’image de l’être aimé précieusement gardée en soi. Le bébé peut ainsi voir s’éloigner sa mère, sans plonger dans une terrifiante angoisse d’abandon. Il accepte la solitude et la séparation, en s’accrochant à cet objet investi de la présence symbolique de son parent. Mais, l’espace transitionnel ne disparaît pas, en grandissant. Tout au long de la vie, il va aider à supporter l’absence et à relier notre intériorité avec notre environnement. Le téléphone portable, parce qu’il maintient le lien avec l’autre en permanence, est sans doute l’un des nombreux objets modernes qui jouent le mieux ce rôle. A l’image du doudou qui relie le bébé à sa mère et l’aide à s’en détacher, le smartphone raccorde son utilisateur à autrui, lui faisant vivre rapprochement et éloignement, à travers la connexion et la déconnexion. De la même façon que le doudou fait fonction de substitut à qui l’on confie ses confidences et de prothèse qui incarne sa personnalité, le mobile peut devenir un fétiche chargé de secrets (photos) et de traces de relations fortes (SMS), servant de complice (il est témoin des relations les plus intimes) et de partenaire (il suit son propriétaire partout). D’où, sans doute, l’angoisse générée, lors d’un perte qui dépasse la seule émotion liée à la sa valeur rationnelle ou monétaire.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1240 ■ 29/11/2018