Les vertus de la bêtise

VACCA Paul, Éd. De l’Observatoire, 2020, 127 p.

Pourquoi tant de haine et de mépris contre la bêtise, s’interroge Paul Vocca ? Les déclinistes déplorent sa progression qui serait mondiale, systémique, institutionnelle, transversale et structurelle. Il est vrai que l’immédiateté, l’exposition et la contagion des réseaux sociaux lui ont offert une puissante caisse de résonance. Il faut distinguer entre la bêtise réelle et celle ressentie, comme on le fait avec la température, leur répliquent les plus optimistes. Après tout, cela fait 28 siècles qu’on se plaint de son invasion continue ! En outre, il est d’autant plus difficile de la cerner qu’elle est protéiforme, indéfinissable et mutante. Ne serait-ce pas plutôt notre tolérance à l’autre qui se réduit plutôt que la bêtise qui s’accroît ? Car le con c’est le plus souvent l’autre, rarement soi ! Ce n’est parce que nous trouvons un argument stupide que nous le rejetons, mais parce que nous le rejetons que nous le trouvons stupide. Alterphobie, plutôt que bétisophobie, en quelque sorte. Si l’on s’intéresse de plus près à l’intelligence, on peut constater qu’elle ne nous rend ni meilleurs, ni plus efficaces, certaines erreurs étant commises non parce qu’on ne réfléchit pas assez, mais trop. Sa perfectibilité est identifiée par un Quotient intellectuel qui ne mesure en réalité que les aptitudes académiques au mépris des compétences intuitives, sociales ou émotionnelles. Le problème se situe en fait dans l’essentialisation et l’opposition de l’intelligence et de la bêtise, alors qu’elles sont bien plus intriquées qu’on ne le croit. Combien de découvertes, d’inventions ou d’innovations sont nées par accident, maladresse ou négligence, voire par sottise ? « C’est grâce à ces instants fragiles où l’intelligence se trouvait aux abonnés absents que l’humanité a vécu des moments décisifs » (p.97)