Tout ce que vous ne devriez jamais savoir sur la sexualité de vos enfants

Marcel RUFO, édition Anne Carrière, 2003, 268 p.

Il est généralement admis que la sexualité des parents doive rester inconnue aux enfants. Ce qui se passe dans le secret de l’alcôve ne les regarde pas. Il est moins fréquent d’entendre que la sexualité des enfants doit, elle aussi, échapper à la connaissance parentale. Le célèbre pédopsychiatre marseillais le proclame haut et fort : cette activité humaine doit être placée sous le signe du plus grand respect et de la plus grande pudeur. Car, elle constitue l’un des axes essentiels de la structuration de la personnalité de chacun. Tout commence par l’émergence d’un sexe biologique qui n’apparaît qu’à compter de la sixième semaine de conception. Mais, si on naît bien anatomiquement fille ou garçon, on va surtout accéder à une identité sexuée grâce aux projections dont on est emmailloté très tôt : le sourire que l’on reçoit, la façon et le temps du portage, ne sera pas le même selon qu’on est l’un ou l’autre. La manière dont on s’identifie aux deux parents détermine l’adulte que l’on sera demain : ni masculin, ni féminin à 100%, mais un mélange des deux. C’est pourquoi, il est important de pouvoir s’identifier à des images parentales bien distinctes. Même si le partage des tâches d’éducation est une bonne chose, chaque figure parentale doit garder sa singularité : doux, lisse, rond et creux pour l’objet maternel ; rugueux, dur et pointu pour l’objet paternel. La personnalité sexuelle est donc le produit de facteurs psychiques, psychologiques, cognitifs, relationnels et sociologiques. Les six ou sept premières années de la vie sont placées sous le signe du plaisir, du désir et de la connaissance de son corps et de son sexe. Cette appropriation anatomique prend la forme d’une masturbation qui constitue une étape importante du développement de l’enfant. Elle s’estompe ensuite, les pulsions se tournant plus vers le plaisir de parler et de jouer avec les autres ainsi que l’apprentissage des connaissances. Toute persistance de l’auto stimulation et de l’auto érotisation marquerait alors un trouble de la relation à autrui. L’adolescence et son lot de flirts, intervient comme période  privilégiée où l’on fait ses gammes dans les rapports humains, où l’on apprivoise les relations entre pairs. C’est aussi la prise de possession de son corps. Refuser de le nettoyer est une façon de proclamer que les adultes n’ont plus prise sur lui, qu’il ne leur appartient plus. Le doter de percing, c’est affirmer qu’on en est propriétaire. L’accoutrer de tenues provocantes, c’est projeter à l’extérieur des capacités de plaire, par crainte de ne pas être assez séduisant. Comme toujours, Marcel Rufo, nous propose un ouvrage assez décapant, bourré d’exemples concrets qui revendique, entre le tout-interdit d’hier et le tout sexualisé d’aujourd’hui, une sexualité vécue librement, mais qui se veut la conquête permanente d’histoires intimes.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°692 ■ 15/01//2004