Pourquoi la politesse? Le savoir-vivre contre l’incivilité

Dominique PICARD, Seuil, 2007, 238 p.

La politesse a pu être considérée comme désuète, dépassée, poussant à l’artifice et au mensonge. Pourtant, le savoir-vivre est l’un des piliers essentiels de la socialisation. Il appartient à ces rituels institués qui permettent de réduire les incertitudes. Les règles de politesse sont un outil indispensable pour sécuriser face à l’angoisse de l’inconnu, assurer la conciliation entre des exigences contradictoires inhérentes à la vie sociale et assumer une fonction régulatrice au sein de la communauté. Elles enseignent les mots qu’il faut employer pour bien traiter les autres et indiquent comment se comporter en toutes circonstances. Rechercher le contact ou au contraire protéger son territoire sont au cœur des relations humaines. Face aux autres, chacun essaie de « garder la face », en soignant son habillement, son maintien corporel, sa façon de parler ou de se présenter. Mais la préservation de son espace de vie est tout aussi essentielle : c’est tout ce que l’individu estime être de son seul ressort, de sa seule décision et dont il n’a à rendre compte qu’aux personnes autorisées par lui. Le savoir vivre consiste à trouver cette juste place entre le trop proche et le trop éloigné, entre le risque d’être impoli en ne manifestant pas suffisamment d’ouverture et d’attention aux autres et celui d’être importun, en imposant sa présence ou en étant trop insistant. C’est que l’indifférence indispose tout autant que la familiarité ou la curiosité soudaine. Si le savoir vivre consiste bien  à « se comporter partout et en tout avec aisance, simplicité, spontanéité, civilité, ces principes ne sont pas immuables : ils varient quelque peu selon les circonstances. Une règle qui s’applique dans un certain milieu sera par contre déplacée dans un autre. » (p.51) C’est dans la confrontation à une culture différente que surgit le problème. Tel peuple valorise l’expression des sentiments pendant que tel autre choisit la réserve, un autre privilégie le contact physique tandis que son voisin lui préfère la distance. Quatre principes peuvent néanmoins être retenus. Il y a d’abord la sociabilité faite de bienveillance, d’attention aux autres, de convivialité, d’écoute. Il y a ensuite l’équilibre qui tend à substituer le droit et l’équité à la violence et aux rapports de force, en établissant une conciliation entre l’authenticité et le tact, l’égocentrisme et l’altruisme, le besoin d’égalité et le respect de la hiérarchie. Il y a encore le respect d’autrui qui passe par la déférence, la considération, la réserve, la retenue et l’adaptation à ce qui est différent de soi. Il y a enfin le respect de soi : s’aimer soi-même et se présenter sous une apparence digne, démontrant la manière dont on souhaite que les autres nous traitent. Loin donc d’être dévaluée, le savoir-vivre reste l’un des moyens les plus efficaces qu’ont trouvé les différentes civilisations pour que les gens puissent vivre ensemble dans la bonne entente et le respect mutuel.

 

Jacques Trémintin -  LIEN SOCIAL ■ n°835 ■ 05/04/2007