Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe

VAN DE VELDE Cécile, Puf, 2008, 278 p.

Les frontières entre l’adolescence et l’âge adulte sont devenues floues. La jeunesse apparaît mouvante et réversible, alors que, dans le même temps, la période où l’on peut pleinement s’assumer, semble de plus en plus retardé et inaccessible. L’imprégnation culturelle complexifie encore cette phase de transition. C’est ce que Cécile Van de Velde nous illustre ici, dans une étude passionnante qui compare les modalités de passage à l’âge adulte, dans quatre pays d’Europe. Première nation étudiée, le Danemark, marquée par la décohabitation extrêmement précoce du domicile familial : le quitter à la fin de l’adolescence est considéré comme une nécessité. Cette coutume est préparée par une intégration du monde du travail salarié qui intervient très tôt et une allocation d’État accordée, sans condition de ressource, sur une durée maximale de 72 mois. Cette autonomie favorise les trajectoires discontinues exploratoires, alternant les études et des expériences de vie (travail, voyage …). Jusqu’à ses 30 ans, le jeune danois, s’appuyant sur un sentiment relatif de non urgence et de sécurité de l’emploi, cherche avant tout à « se trouver ». La séparation des enfants d’avec leurs parents intervient aussi de bonne heure, au Royaume Uni. Jusqu’au XVIIIème siècle, l’âge moyen de ce départ était de 14 ans. Aujourd’hui, rester au domicile familial après 20 ans est considéré comme pitoyable. L’indépendance résidentielle des jeunes salariés intervient à partir de 16 ans, complétée chez les scolaires par la tradition de l’internat. On est là dans une précipitation à accéder au statut d’adulte : il faut, avant tout, essayer de « s’assumer ». La France, quant à elle, est dominée par un cheminement long et progressif vers l’indépendance. Même si la saturation du marché de l’immobilier ne favorise pas l’installation dans son propre logement, celui-ci prend plus souvent la forme ambiguë et réversible de l’extension du nid familial que d’une réelle rupture symbolique. Les jeunes sont confrontés au paradoxe d’une éthique de l’autonomie s’articulant avec un lien rigide entre l’identité sociale future et le niveau des études et des diplômes qui contraint à rester en famille. Il est légitime de partir ni trop tôt, ni trop tard. L’essentiel est de réussir à « se placer ». Le modèle espagnol, quant à lui, a normalisé et banalisé le maintien chez les parents, sur le mode de la solidarité et de la sécurité affective. L’âge médian de la décohabitation y est de 27 ans, et ce serait assurément les blesser que de partir avant de « s’installer », en formant une nouvelle famille. Malgré leur proximité, les quatre pays étudiés se structurent autour d’une matrice respectivement protestante, pour les deux premiers et catholique, pour les deux derniers.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°967 ■ 01/04/2010