Aux origines, l’archéologie

DEMOULE Jean-Paul, Éd. La Découverte, 2020, 332 p.

L’instrumentalisation du passé à toujours été une arme au service des préoccupations idéologiques, politiques et sociales. La fable des quarante rois et quinze siècles qui « ont fait la France », le mythe du baptême fondateur de Clovis servant à légitimer la royauté, une Jeanne d’Arc victime en fait non de l’envahisseur mais de la dispute entre deux fractions de la noblesse (les Bourguignons et les Armagnacs) … Le marché de l’histoire réactionnaire se porte bien, revendiquant un roman national fictif menacé par des boucs-émissaires venant de l’étranger. En réalité, notre pays est le produit d’un processus continu et permanent de mélanges et de métissages, d’assimilations et de recompositions de populations parfaitement hétérogènes dont l’origine, la culture et la langue étaient différentes. Et ce sont les mêmes qui en appellent à défendre l’identité française, qui méprisent tant l’histoire. On assiste depuis le début des années 2000 à une série d’offensives contre une archéologie dont la raison d’être est pourtant l’étude des sociétés qui nous ont précédés. Les tentatives parlementaires successives de remise en cause de la loi de 1981 imposant des fouilles préventives, en cas de travaux dans les sous-sols, d’abord. La privatisation des services publics imposée par le néo-libéralisme mis en œuvre par l’Europe, ensuite, qui livre cette science aux ambitions mercantiles d’entreprises privées motivées par le seul appât du gain. On s’est volontiers scandalisé des destructions spectaculaires opérées par l’Etat islamique, en 2014 et 2015 ? Les dislocations régulières des restes archéologiques sur notre sol ne valent guère mieux. Rien ne doit freiner l’installation des zones industrielles et zones commerciales, source de profits face auxquelles la valorisation des traces de notre histoire pèse bien peu.