L’idée même de richesse

CAILLÉ Alain, Ed. La découverte, 2012, 143 p.

L’idéal qui régit notre monde est celui de la richesse, sans que l’on sache toujours bien comment la définir. Son identification est assez systématiquement réduite étroitement au champ monétaire : est riche celui qui possède beaucoup d’argent. On n’y intègre jamais ni le bien-être vécu, ni la qualité des relations humaines ou la santé, pas plus que la vertu écologique, la correction politique, le goût de l’innovation ou la créativité etc… Seule leur traduction consumériste en termes d’efficacité marchande de performance concurrentielle et de rentabilité économique est intégrée à une mesure qui, au final, contribue à déterminer la croissance du PIB (Produit intérieur brut). D’autres indicateurs ont pourtant été élaborés, élargissant son champ d’application au-delà du simple rendement financier. L’indicateur de développement humain, tout d’abord, proposé en 1990 par le PNUD (Programme des nations unies pour le développement), classant les pays en fonction de l’état de santé, du niveau d’instruction et du revenu moyen de ses habitants. Bien d’autres ont ensuite vu le jour : l’indicateur d’empreinte écologique, l’indice de santé sociale, le baromètre des inégalités et de la pauvreté, indice de bonheur national brut, indice de progrès véritable, indice de bien-être durable etc… Loin de s’exclure l’un l’autre, toutes les formes de richesse que cherchent à déterminer ces critères se complètent, tant il est vain de tenter de cerner un essence unique et générale qui aurait la prétention d’être universelle. A l’image du quotient intellectuel, élaboré par Alfred Binet, qui ne s’appuie que sur une seule forme d’intelligence, là où les psychologues en identifient aujourd’hui onze, la richesse ne se caractérise pas, une bonne fois pour toute, par un facteur isolé. Tout dépend de l’espace temps dans lequel on veut la mesurer et de l’usage que l’on veut en faire. A quoi sert de posséder ou d’accumuler des signes de richesse, si cela n’apporte rien en termes de satisfaction ? Synthétisant de multiples études, un chercheur a pu déterminer la chronologie des indices de bonheur subjectif : 47 % des personnes interrogées placent en premier les relations conjugales et familiales, 24 % la santé, 8 % « vivre dans un bel endroit ». Seulement 7 % considèrent la situation financière, comme essentielle (devant religion et spiritualité : 6 % ; communauté et amis : 5 % ; et l’épanouissement professionnel : 2 %) « Les humains ne cherchent pas tant à avoir qu’à être, à posséder qu’à obtenir de la reconnaissance, à voir leur valeur reconnue » (p. 45). Dès lors, peut être considéré comme riche un pays où ses habitants reçoivent et développent leurs capacités d’agir, de donner et de s’adonner.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1137 ■ 20/03/2014