L’insertion, la force d’une conviction ou l’itinéraire d’un pionnier

DANIEL Christian, édition Christian Daniel, 2010, 271 p.

Avec le basculement progressif de l’État providence vers l’Etat néo-libéral, l’action socio-éducative est en train de vivre la fin d’une époque. L’occasion de rappeler non pas comment la prise en charge des plus fragiles et des plus exposés de notre société est de plus en plus sophistiquée et efficace, mais comment, il fut un temps où existait le souci de son perfectionnement et comment cette amélioration continue vit aujourd’hui un sérieux coup d’arrêt. Christian Daniel illustre fort bien ce qui se passe au sein du service public de l’Administration pénitentiaire, comme dans bien d’autres secteurs. Son propos est très documenté, laissant une (trop ?) large place aux citations des circulaires, rapports, lois qui ont parsemé la lente mais certaine évolution du social, au sein de cette grande maison. Son déroulement de carrière est l’occasion de mesurer la place des enjeux de pouvoir, de l’audace de certains, de la pusillanimité de bien d’autres. Son cheminement à bien des postes lui a permis de mesurer le chemin suivi : il fut éducateur au Centre de jeunes détenus de Fleury Mérogis, puis en milieu ouvert à Bourges ; chef de service à la Maison centrale de Saint Maur, puis Directeur régional à l’action socio-éducative et rattaché à la Direction centrale ; avant de devenir Directeur du service de probation d’Evry, puis successivement des SPIP de l’Essonne, des Hauts de Seine et enfin du Morbihan. Il a ainsi pu être acteur dans l’accompagnement de nombre d’innovations au sein de l’administration pénitentiaire : travail d’intérêt général en 1984, structuration du service socio-éducatif en 1985 et du milieu ouvert en 1986, loi de programme pour la justice créant 768 postes de travailleurs sociaux et 1.200 places de semi liberté en 1995, création des Service de probation et d’insertion professionnelle en 1999, regroupant les équipes de milieu fermé et de milieu ouvert ... Les mémoires de Christian Daniel mettent en scène l’action menée pendant un quart de siècle au quotidien, montrant comment un cadre peut dynamiser son institution et participer activement à son cheminement. Jusqu’à ce que le pouvoir politique impulse des orientations contraires. Le rapport Warsmann remis en 2003 au ministre de la justice démontrait que le coût d’une place en semi liberté représentait le tiers de celui d’une place en maison d’arrêt, tant à la construction qu’au prix de revient journalier. On aurait pu imaginer le développement de l’alternative à l’incarcération. Ce sont de nouvelles prisons que l’on construira. Aujourd’hui, face aux orientations prises par sa Direction, Christian Daniel assume sa nécessaire loyauté de fonctionnaire, tout en affirmant clairement « je ne me sens pas l’âme d’un fossoyeur » (p.260).

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°983 ■ 02/09/2010