La vie après la peine

PORTELLI Serge et CHANEL Martine, Ed. Grasset, 2014

Cet ouvrage écrit à deux plumes, celle d’un juriste et celle d’une journaliste, se consacre à une question trop souvent ignorée. Alors que les situations de récidive saturent les média, on ne parle quasiment jamais de la désistance. Le sortant de prison est devenu un suspect en puissance, enserré dans des institutions de contrôle et de soins contraints. Mais, jamais il n’est regardé dans sa capacité, pourtant bien réelle, à reprendre le cours de sa vie sans jamais reparaître devant une cour de justice. Car, si le taux de récidive est en moyenne de 10 %, cela signifie que 90 % des détenus ne commettent plus les mêmes actes pour lesquels ils ont été condamnés. Parmi les infractions produisant le plus de rechutes, les conduites en état d’ivresse ainsi que les vols et recels. Parmi les moins propices, on trouve les délits sexuels : 5 % ! Bien des facteurs peuvent expliquer cette désistance : l’âge, la maturité, la lassitude, le temps qui passe, l’amour, le mariage, la paternité, le travail, la confiance accordée par les autres, les mains tendues, les nouvelles relations. D’autres éléments sont au contraire bien plus à risque : les addictions, les troubles de la personnalité, la pauvreté, la loyauté à un groupe délinquant. Tout cela est connu. Notre justice est au carrefour de deux chemins. Celui emprunté par les USA, tout d’abord, qui avec ses 41.000 détenus sous perpétuité réelle, s’est transformé en État carcéral. Celui de la Suède, ensuite, qui avec ses trente suivis par Conseiller de probation (entre 80 et 130 en France) a fait le choix de l’accompagnement de la réinsertion des condamnés. L’ouvrage alterne des chapitres de contre point juridiques et d’autres consacrés à des portraits de détenus ayant retrouvé leur place dans la société. On mesure les possibilités existantes de se réinsérer et le gâchis pour la collectivité, quand les sortants de prison ne sont pas aidés à y parvenir.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1155 ■ 22/01/2015