La parole de l’enfant. La vérité sort-elle toujours de la bouche des enfants?

COUTANCEAU Roland et DAHAN Jocelyne (sous la direction), Ed. Dunod, 2016, 208 p.

Le premier de ses droits pour l’enfant, c’est d’être considéré comme tel. L’enfance est un stade de développement marqué par une immaturité affective, neuro-cognitive et physiologique, identifiable à travers des capacités langagières moins développées, une mémoire surtout émotionnelle, des représentations spatio-temporelles limitées, un réalisme dans la vision du monde extérieur, une vérité qui est souvent celle du moment. Selon son âge, se mêlent des souvenirs précis de son passé et des productions imaginaires ou des représentations mentales issues de son monde intérieur. Toutes ces fragilités contraignent à contextualiser son témoignage, en prenant en compte là où il en est de son évolution, son degré de maturité et ses capacités de discernement. A ce titre, l’enfant victime peut parler ou ne pas le faire, rapporter tout ce qu’il a vécu ou en occulter consciemment ou inconsciemment une partie, changer d’avis, se tromper, oublier, ne pas trouver la bonne réponse aux questions qui lui sont posées. Il peut aussi mentir et être pris dans un conflit de loyauté l’amenant à donner des réponses allant dans le sens de ce que l’on attend de lui, surtout face à un adulte en position d’autorité. Longtemps négligée et censurée, puis récemment sacralisée, la parole libérée d’aujourd’hui peut s’avérer, si l’on n’y prend garde, aussi néfaste que le silence qui lui était imposé hier. Parler peut être parfois bien plus un risque qu’une chance, parce que la parole de l’enfant n’est jamais ni absolument libre, ni totalement vraie, mais toujours exposée aux passions et aux émotions qui l’aliènent. Et, la reconnaître sans aucune précaution, c’est lui accorder une importante responsabilité qui peut imposer à l’enfant une place intenable à son âge. Pour autant, il n’y a pas à choisir entre ceux qui pensent que l’enfant ne ment pas, lorsqu’il dénonce une agression dont il a été victime et les incrédules dénonçant sa haute suggestibilité. Car, même quand il est sous l’emprise d’un discours qui s’éloigne de ce qui s’est vraiment passé, l’enfant dit quelque chose de lui : un mensonge ou une mythomanie a une dynamique, un sens et des significations qui lui sont propres et qu’il revient aux professionnels d’avoir à décrypter. Recueillir son témoignage, c’est avant tout mesurer la quête différentielle de besoin : si l’adulte essaie surtout de distinguer le vrai du faux, l’enfant cherche avant à croire en un adulte fiable et protecteur. Les fausses allégations ne sont que nos erreurs d’écoute de la vérité du sujet.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1221 ■ 25/01/2018