Dernière sommation

DUFRESNE David, 2019, Ed. Grasset, 2019, 229 p.

On connaît le David Dufresne sillonnant les manifestations des gilets jaunes, inlassable lanceur d’alerte contre les violences policières, tweetant place Beauvau sur ces gueules que l’on casse en direct et ces mutilés que l’on estropie sous ses yeux. Voilà qu’apparaît dans ce roman un Etienne Dardel, journaliste ayant tourné le dos aux rédactions qu’il prend pour des cimetières de la pensée. Il y a comme une ressemblance. Car, lui aussi sort chaque samedi, comme d’autres vont au front d’un conflit armé, pour témoigner des prémisses d’une guerre civile qu’amorcent ces ronds-points, symbole des soupapes de la cocotte qui explosent. Et de comptabiliser les mains arrachées, les yeux crevés, les bras broyés chez des centaines de victimes qui porteront toute leur vie les séquelles de leurs blessures. S’il met en accusation, ce ne sont pas tant les bacqueux, CRS, BRI et autres gendarmes mobiles envoyés au carnage, se pissant dessus quand ils sont obligés de tenir leurs positions des heures durant. Non, ce sont ceux qui équipent leurs bras d’armes de guerre. Critiquer les violences policières, ce serait, dit-on, se placer du côté des illettrés, de la foule haineuse, des factieux, des putschistes, des décérébrés, des sauvages, des blacks-blockeurs, des racistes, des pestiférés. Pourtant, Etienne Dardel suit toujours la même méthode : s’en tenir aux faits et rien qu’aux faits. Une fiction un peu trop réelle.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1283 ■ 10/11/2020