Attentifs ensemble! L’injonction au bonheur sécuritaire

THOREL Jérôme, Ed. La découverte, 2013, 324 p.

L’ordre sécuritaire se targue de réussir à impliquer tous les citoyens dans la protection de leur environnement. A cet effet, il déploie toute une technologie destinée à une protection pro-active visant la recherche d’intentions coupables, avant même que l’acte ne soit commis et que les faits avérés ne soient établis. Jérôme Thorel décrypte ces mécanismes qui ne peuvent que nous inquiéter sur ce qu’on est prétend d’élaborer en notre nom et pour notre soi-disant bonheur. C’est d’abord, l’architecture de prévention spécialisée qui est à l’œuvre. La configuration de l’espace public est réorganisée de manière répressive : faciliter l’intervention des forces de l’ordre en supprimant les recoins, les passages obscurs, les toits terrasses ou les halls d’immeubles traversant. Mais, elle peut tout autant l’être de manière dissuasive : planter des buissons piquants ou vénéneux au bas des fenêtres, supprimer les bancs ou les rendre inconfortables pour les SDF qui voudraient s’y allonger. Ou encore installer des bacs à fleur en béton pour rendre difficile la fuite et régler les fontaines pour qu’elles débordent et ainsi empêcher qu’on ne s’asseye sur leur bord. C’est, ensuite, la multiplication des fichiers et bases de données dont les projets d’interconnexion ont été jusqu’à présent freinés par les réactions de l’opinion publique, mais jusqu’à quand ? La crainte face au fichage s’estompe, toutefois, quand on constate l’étalement volontaire des données personnelles dans les réseaux sociaux. C’est aussi le contrôle des communications internet par des gouvernements proclamant une « guerre au terrorisme » qui a surtout permis de pérenniser des législations sensées être exceptionnelles et provisoires. Quand on compare, sur la période allant de 1990 à 2012, les vingt deux morts provoqués par sept attentats, et les deux cent soixante douze décès causés par des violences policières, on peut s’interroger sur l’instrumentalisation de ce terrorisme. Il faut aussi compter sur l’invasion de la biométrie dans les cantines scolaires, mais aussi dans les maternités et les crèches incitées à équiper le poignet de leurs bébés de bracelets électroniques. Sans oublier la mise en œuvre de la future carte d’identité à puce destinée à contrer les faussaires, une habile manipulation ayant transformé les 13.141 cas de fraudes en … 200.000 ! La volonté de surveiller, de manière globale et exploratoire, l’ensemble de la population, pour être en mesure d’intercepter de potentiels criminels, relève d’une logique totalitaire. La protection proposée par la CNIL se montrant des plus modérée et aléatoire, comme le démontre longuement l’auteur, il ne reste plus qu’à s’engager dans une démarche de résistance.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1122 ■ 17/10/2013