Comprendre la culture musulmane

Xavière REMACLE, Chronique Sociale, 2002, 230 p.

Qu’il séduise ou fasse peur, l’Islam ne laisse pas indifférent. Pour ne pas se contenter de représentations approximatives le concernant, voilà un ouvrage tout à fait passionnant qui introduit le lecteur dans la compréhension d’une culture qui nous est à la fois si proche et si éloignée. Entre le 8ème et 13ème siècle, la civilisation arabe connaît son âge d’or. Les philosophes chrétiens pourchassés par leur propre religion y trouvent abri. Saint Thomas, le maître de la scolastique européenne, ne pourra connaître les œuvres d’Aristote qu’au travers des commentaires arabes d’Avicenne et d’Averroès. La nouvelle religion qui prend naissance dans la péninsule arabique constitue alors une « subtile synthèse entre le rationalisme biblique et la pensée magique animiste, entre l’histoire universelle et l’attachement aux ancêtres tribaux, entre l’affirmation de la liberté de l’individu et le respect du patriarcat clanique » (p.21). Elle apporte de nombreuses améliorations aux peuples qui l’adoptent : l’identité n’est plus sociale mais culturelle (universalité de l’appartenance quelle que soit la région où l’on vit), le code d’honneur (impliquant une vendetta meurtrière) est remplacée par la piété, la souillure collective du fait de l’acte d’un seul membre de la communauté fait place à la responsabilité individuelle, le monothéisme désacralise les forces de la nature et incite à l’esprit scientifique. Mais les valeurs préislamiques vont perdurer au travers de tendances conservatrices : préservation de l’ordre patriarcal et phallocratique, réflexe endogame (mariage des femmes à l’intérieur de la communauté), dominance de la culture orale (le Coran reste surtout un texte à mémoriser et à réciter et non à consulter). A cela se rajoute la recherche de l’unité de la foi qui favorise l’uniformité et le conformisme et qui condamne tout ce qui vient troubler l’ordre de la famille (adultère, relations hors mariage, homosexualité, non-obéissance au père puis au mari, avortement ...). L’Islam a toujours été tiraillé entre la tradition et la modernité de son époque. En période de crise il se replie sur les valeurs les plus conservatrices. Plusieurs de ses convictions renforcent d’autant plus la tendance. Il en va ainsi de la notion de temps. Alors que l’occident voue un véritable culte au progrès, l’Islam considère que toute innovation ou évolution tend à éloigner de la pureté, de l’authenticité et de la vérité des origines (que seule une révolution messianique peut retrouver). Mais, c’est aussi le cas de la distinction entre le pur et l’impur qui ne se réfèrent ni à l’hygiène (le propre et le sale), ni à la moral (le bien et le mal), mais respectivement à l’ordre des choses imposé par les forces divines qui s’oppose au chaos et au désordonné identifiés au démoniaque et au dangereux. Quant à l’éducation, elle mène l’enfant de la pleine innocence sans aucune contrainte à la soumission à l’autorité, quand l’occident favorise au contraire le cheminement qui va des contraintes à l’exercice de la liberté. De quoi en somme provoquer moult confrontations.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°676  ■ 04/09/2003