Déchéance de rationalité
Gérald Bronner, Ed. Grasset, 2019, 263 p.
Face à la menace terroriste, les autorités usent d’un mot magique : la déradicalisation. C’est dans ce but, qu’elles ouvrent en 2016 le Centre de prévention, d’insertion et de citoyenneté au Château de Pontourny.
Gérald Bronner nous fait ici le récit de ce grotesque fiasco. Spécialiste du phénomène sectaire, ce sociologue s’était pourtant porté volontaire pour y intervenir, à titre gracieux, en posant comme seule condition l’évaluation scientifique de l’action menée. Il y animera un séminaire pendant quelques mois.
Les enseignements qu’il en tire sont précieux. Un individu confronté à la contestation argumentée de ses croyances peut parfois les renforcer au lieu de les affaiblir. Le cerveau mobilise en effet des ressources impressionnantes pour ne pas renoncer à son système de représentations : ne sélectionner que les informations confirmant ses convictions, transformer ou nier les faits pouvant les amoindrir, discréditer tous les contre-arguments, accepter un raisonnement tout en refusant de l’appliquer à ses propres opinions. Plutôt que de chercher à détromper un crédule, mieux vaut éveiller sa pensée analytique et cultiver son esprit critique. C’est ce que proposera Gérald Bronner, multipliant les exercices et énigmes visant à stimuler la capacité de réflexion de ses six participants face aux théories du complot ou de la platitude de la terre, cherchant à démontrer comment le cerveau peut être trompé par les pièges qui lestent le raisonnement. Son approche ne sera jamais évaluée. Il était absurde de penser que des individus radicalisés resteraient très longtemps pour suivre ce type de formation. C’est pourtant ce qui était prévu : n’accueillir que des volontaires. En arrivant, le 28 juillet 2017, il trouvera les lieux vides, sans qu’on ait daigné l’informer au préalable de leur fermeture.