Scolariser l’enfant handicapé

Jean- Marc LOUIS et Fabienne RAMOND, Dunod, 2006, 256 p.

En matière de handicap, notre société est passée du déni à la discrimination positive, de l’intégration à l’inclusion, de la prise en charge à l’accompagnement. La loi de 2005 est venue poser comme principe l’intégration scolaire, dont la légitimité se fonde sur la conviction selon laquelle « toute personne, quelle que soit la déficience dont elle est atteinte, est capable de progrès et d’évolution » (p.25) Pour autant, beaucoup de choses restent à faire : un gouffre sépare les droits donnés dans les textes et la réalité. Ainsi, il n’y aurait pas moins de 30.000 enfants qui resteraient aujourd’hui sans contact avec un enseignant. Si cette intégration apparaît bien comme un droit des familles et un devoir pour l’école, elle ne peut être imposée : l’évolution des mentalités ne se décrète pas. Le handicap insécurise par sa différence. Nous avons besoin de croire à un monde parfait avec ses normes, sa logique, sa conformité et ses règles. La personne frappée de déficience nous dérange du fait même qu’elle nous renvoie en miroir à cette partie de nous-même que nous n’acceptons pas, ces faiblesses, ces failles, ces limites, toutes ces zones d’ombre que nous préférons ignorer. Et puis, il y a toutes ces représentations qui sont difficiles parfois à combattre : les autres enfants se mettraient, par mimétisme, à imiter l’enfant porteur de handicap ou encore toute la classe serait retardée dans sa progression du seul fait de sa présence. Pourtant, cet enfant n’est vraiment différent que pour autant qu’on le réduise à son handicap. Son accueil nécessite d’accomplir un certains nombre de deuils : celui des repères, du cadre sécurisant ou de l’uniformisation des pratiques. Mais aussi celui du bon élève ou de la fonction classique enseignante. Cela passe par la mutation d’une approche pédagogique qui ne privilégie plus les seules compétences techniques et didactiques tournées vers la transmission des savoirs, mais aussi l’accompagnement de la personne dans sa globalité. Cette appréhension nécessite de prendre en compte des paramètres aussi divers que ceux de la fatigabilité, des troubles cognitifs, des difficultés afférentes à la structuration du temps ou de l’espace, à l’attention et à la concentration, à la mémorisation ainsi qu’aux capacités logiques et de raisonnement, à la latéralisation et au schéma corporel, à la coordination visuo-motrice, à la faculté de prise de risque et de gestion des émotions … « La nature par essence complexe du handicap implique la négation de toute certitude, tout confort pédagogique, toutes économie des doutes et des remises en question » (p.56). Cela signifie encore de savoir gérer la progression tant au travers du tout petit pas que de la belle avancée, en passant par le sentiment du surplace. Accepter de ne pas savoir, tout en étant à la fois humble et exigeant, gérer des paradoxes permanents, tout en étant sur le fil de l’équilibriste constituent une posture innovante et pleine d’humilité qui s’appuie avant tout sur la croyance dans un potentiel possible et sur l’espérance d’une évolution souhaitée.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°858 ■ 25/10/2007