Sociologie de l'école

BLANCHARD Marianne et CAYONNETTE-REMBLIÈRE Joanie, Ed. La découverte, 2016, 125 p.

L'école est dotée d'un budget de 144 milliards d'euros. Elle emploie 1,3 million de personnes et scolarise 1,2 millions d'élèves (soit 23 % de la population). Ce petit opuscule propose une synthèse des connaissances sociologiques sur cette institution essentielle à la construction de l'identité sociale de chaque citoyen. Les maîtres de cette discipline lui ont toujours attribué un rôle allant bien au-delà de la simple transmission de connaissances. Diffusion d'une même morale unique, laïque et républicaine pour Durkheim, reproduction des inégalités sociales pour Bourdieu et Passeron, l’école a connu deux explosions au cours du XXème siècle. Première crise de croissance, celle à l’origine de sa massification : de la fin des années soixante au début des années 1980, l'âge de l'obligation scolaire est prolongé et le collège unique est fondé. Conséquences : 100% d'une génération se retrouve scolarisé, alors que seuls 54% des garçons et 57% des filles l'étaient en 1954. La seconde révolution répond à l'ambition affichée en 1989 de porter 80% d'une classe d'âge jusqu'au BAC et 100% au CAP ou au BEP. Cette tentative de démocratisation a échoué, n'ayant jamais pu dépasser la dimension quantitative (croissance du nombre d'élève atteignant la terminale) et atteindre une dimension qualitative (réduction des inégalités sociales dans l'accès aux études). Loin de là, elle est très vite devenue ségrégative, l'accès aux différentes filières se creusant selon l'origine sociale : ce sont bien les enfants des classes supérieures et moyennes qui passent le bac général et ceux des classes populaires le bac professionnel. Mais, au final, 71% des enfants d'inactifs ne l'obtiennent pas, alors que 92% des filles d'enseignants y arrivent. Toutes les familles ne possèdent pas les mêmes dispositions sociales aussi rentables scolairement. Ce qui a surtout changé c'est donc la visibilité des inégalités qui apparaît tardivement, les bifurcations des trajectoires et les éliminations étant juste différées. La sociologie de l'école a multiplié les études permettant d'analyser les effets de la localisation des établissements, de la composition des classes et de la qualité des enseignants sur le destin des élèves, mais aussi d'établir les meilleures performances des filles en primaire et au collège et la réussite plus importante des enfants d'immigrés par rapport aux nationaux. Les deux auteurs s'intéressent aussi aux évolutions contemporaines, telle l’émergence des notions de compétences, dont la forte polysémie permet à tous de les intégrer : les partisans de l'école démocratique pour la remise en cause des pédagogies traditionnelles qu'elles permettent, les partisans d'une école plus efficace, pour l'amorce de la culture du résultat qu'elles induisent et les partisans du conservatisme pédagogique qui y voient un moyen de lutter contre la baisse du niveau.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1190 ■ 01/09/2016