Avec les grands frères au Mali et au Burkina Faso

Se confronter à la réalité de deux pays parmi les plus pauvres du monde : tel est l’objectif remobilisateur d’un lieu de vie breton qui fonctionne depuis dix ans. Explications.
Quand Dominique Richer rentre du Mali, en 1989, après avoir passé plusieurs années à travailler avec les enfants des rues, il n’a qu’une idée : utiliser la réalité d’un pays qu’il connaît bien, pour permettre à des jeunes français en panne de projet, de cheminer dans leur propre vie. Il organise un premier séjour avec un adolescent confié par la PJJ. Fort de cette expérience, il monte une structure d’accueil non traditionnelle : Extra Balle. Son association a survécu à son décès, intervenu en 2002. Elle organise sept à huit sessions par an sur deux sites : Bamako au Mali et à Bobo Dioulasso au Burkina Faso.
 
 

La préparation en France

L’accueil est d’abord collectif : un groupe de cinq jeunes maximum se retrouve à Ploumagoar, près de Guingamp dans les Côtes d’Armor, pour un peu plus de six semaines. Les ressources de la Bretagne sont utilisées pour mieux observer et identifier  les difficultés de chaque jeune. La première période de cette phase de préparation (environ une vingtaine de jours) est consacrée à des activités ludiques autour du sport et de l’expression. La seconde (quatre semaines) va être l’occasion d’une confrontation au monde du travail. Un réseau d’entreprises et d’artisans a ainsi été tissé qui permet de proposer différentes domaines d’activité : boulangerie, garage … y compris des écoles offrant une confrontation aux jeunes attirés par un travail auprès de la petite enfance. Pour les plus âgés, il s’agit de commencer à envisager une orientation professionnelle. Les plus jeunes découvrent le monde du travail. Ces activités permettent de mesurer la motivation du jeune à qui on demande d’être volontaire. Un pré requis est nécessaire quant à sa volonté de progresser et sa capacité de se remettre en cause. La plupart adhère au projet parce qu’il sont attirés par l’Afrique ou simplement parce qu’ils n’ont plus de perspectives. A ce stade, il est toujours possible d’arrêter : cela peut venir du jeune ou de l’équipe d’Extra Balle. Ainsi, sur les 362 jeunes depuis 1998, seulement 253 sont partis en Afrique. Les autres ont préféré réintégrer l’école, entrer en formation professionnelle tout de suite. D’autres encore n’ont pas voulu poursuivre le projet ou n’ont pas montré qu’ils pouvaient aller à son terme.
 
 

Le départ vers l’Afrique

Le séjour en Afrique est préparé tout au long de cette première phase. Une soirée par semaine, l’équipe familiarise le groupe au continent qu’ils vont découvrir. Un maximum d’informations leur est apporté: photos, vidéos, objets courants sont utilisés pour leur éviter d’être complètement perdus. On leur enseigne quelques mots de Bambara, la langue locale, on leur prépare des repas africains... Puis arrive le grand jour : départ en train le matin, arrivée à Roissy en fin d’après-midi, débarquement à Bamako en début de soirée. A compter de cet instant, chaque jeune est confié à un grand frère qui va l’emmener dans sa famille et sa courée. Pendant huit semaines, l’adolescent(e) va vivre sous l’aile protectrice de cet adulte de confiance qui va lui faire découvrir son pays. L’éducateur français présent en permanence sur place ne commencera à lui rendre visite régulièrement qu’après les dix premiers jours (sauf en cas de pépin). Les cinq premières semaines de cette seconde phase sont consacrées au voyage itinérant : passer dix jours dans un village de brousse, gagner Tombouctou en utilisant tous les moyens de transport locaux (bus, camions, taxis de brousse). C’est l’occasion de ce que l’association appelle l’exploit : aller jusqu’au bout d’un projet quelles que soient les épreuves et les obstacles. La saison des pluies peut parfois compliquer les choses, allongeant les délais de trajet. Mais, séjourner dans un village au bord du Sahel, où il n’y a rien, sinon des conditions de vie épouvantables n’est pas forcément plus facile. Ce que l’on recherche là, c’est bien l’immersion dans la vie locale, dans tout ce que cela peut avoir d’humainement confrontant.
 
 

Préparer le retour

La seconde partie du séjour en Afrique est consacrée à une implication plus sédentaire dans la vie locale. Les jeunes soumis à l’obligation scolaire, souvent décrocheurs en France, sont intégrés à une école sur place. « Les jeunes français cessent très vite d’affirmer que l’école c’est nul, quand ils sont confrontés à de jeunes africains dont seulement 10% ont le privilège de la fréquenter » explique Martine Le Moal, Directrice d’Extra Balle. Les plus âgés se consacrent à un stage au sein du tissu économique du pays. Ils y retrouvent des métiers disparus en France, comme celui de couturière, fabriquant par exemple des tenues africaines. Pendant tout ce temps, l’association reste en contact avec le travailleur social référent pour préparer le retour en France. Le séjour se termine. Le jeune ne va pas réintégrer sa famille ou l’institution qui a prévu de l’accueillir sans passer par un sas de quatre jours à Ploumagoar qui est l’occasion de faire le point sur son évolution, sa progression, ses projets d’avenir. Extra Balle est l’une des associations qui a été inspectée tant en Bretagne qu’en Afrique par les rapporteurs des affaires sociales et de la justice. « Même si nous avons du nous séparer de certains grands frères du fait d’un positionnement religieux un peu trop fort avec des jeunes un peu trop fragiles, nous tenons au travail assuré par ces dix personnalités porteuses et leur environnement familial » conclue Martine Le Moal.

 
Contact : Association Extra Balle, Nervet-Hir , 22970 Ploumagoar / Tél 02 96 11 00 08 extraballe@wanadoo.fr

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°886 ■ 29/05/2008