Madame Olive - One Woman Show

Madame Olive avait déjà sévi il y a de cela quelques années, se faisant remarquer favorablement par la critique parisienne. Elle est revenue dans une séance de théâtre-appartement pour une première représentation. Loin des sunlights de la capitale, c’est en province, devant une trentaine de spectateurs conviés dans la maison d’un particulier, que s’est joué le One Man Show mettant en scène le travail quotidien d’une profession qui, pour n’être pas des plus réjouissante, ne s’interdit pas pour autant l’humour.

Madame Olive se hausse sur la pointe des pieds pour embrasser du regard toute l’assistance : « qui est au chômage depuis plus d’un an ? … Plus de deux ans ? … Plus de 5 ans ? … » Quelques timides mains se lèvent. Excédée, l’assistante sociale finit par lâcher : « Y en a-t-il qui n’ont jamais travaillé ? » Une forêt de bras  se dresse.  Le spectacle commence sur un ton très dur. Il est sans complaisance. Il reprend les perles de certains usagers : « qu’est-ce qu’on fait quand on est irradié par l’Assedic ? » ou encore « pour avoir le RMI, on est obligé de passer sur vous ». Il est sans grande tendresse pour certains personnages comme ces « alcooliques anonymes repentis … à mi-temps » ou cette Annie qu’on félicite car « elle vient de fêter ses 10 ans de RMI ! » Mais la mise en scène n’épargne pas non plus les travailleurs sociaux : « pour un pauvre, un sourire, ça vaut un steak » Et, elle n’en est pas avare de sourires « débordant d’une profonde humanité »,  cette grande dame qui avec son chignon haut perché rappelle les infirmières visiteuses des tout début de la profession ! En quoi consiste le travail des « amazones de la zone » ? Ni plus ni moins que de disposer deux piles de dossiers sur le bureau : à gauche, les assistés chroniques, à droite, les nouveaux pauvres, qu’avec un peu d’effort on arrivera bien à faire passer dans l’autre pile !

Claudy Sarrouy est assistante sociale dans le Val de Marne depuis près de 20 ans. Elle a toujours été passionnée par le théâtre. Elle s’est produite à plusieurs reprises en créant le personnage de Madame Olive, qui au départ était étrangère au travail social. Jusqu’au jour où son administration lui demande de venir jouer un sketch en introduction aux travaux qu’elle entend mener avec le personnel sur le thème de l’accueil. Et voilà madame Olive qui endosse les oripeaux d’une assistante sociale de secteur. L’idée d’un spectacle théâtral sur le thème du travailleur social vient de naître. Collaborant avec un metteur en scène professionnel, Claudy Sarrouy se met à pasticher ce qu’elle vit au quotidien. Ce n’est guère difficile, tant les pauses dans les centres médico-sociaux bruissent de ces anecdotes et de ces histoires cocasses que rencontrent au quotidien les professionnels qui côtoient la misère et la détresse.  Son but ? Régler ses comptes avec une certaine façon d’être A.S., l’héritage des dames patronnesses pesant bien trop encore à son goût. Parler avec dérision de son métier. Non parce qu’elle le rejette, mais parce qu’elle veut provoquer le débat sur la façon dont il convient de l’exercer aujourd’hui : « on est toutes un peu comme cela : on prend un certain plaisir à entendre la souffrance des autres et à tenter de la réparer. » Les premières représentations devant des collègues lui ont montré le défoulement que cela provoquait chez ses spectatrices. Peut-on rire de tout se demandait Coluche ? Oui, mais pas avec n’importe qui, continuait-il. Et, c’est vrai que Claudy Sarrouy a pu constater qu’elle avait choqué le jour où elle a joué devant un public de personnes âgées dont elle assurait, par ailleurs, le suivi social. La réaction a été brutale : « pourquoi vous moquez-vous de nous, ainsi ? » On ne peut plaisanter ainsi avec l’image rassurante et protectrice que les usagers ont des travailleurs sociaux. Pour autant, son spectacle décapant ne laisse pas indifférent. Défouloir et exutoire pour certains, qui s’y retrouvent bien et trouvent finalement pratique d’évacuer ainsi leur stress et leurs angoisses. Trop dévalorisant et limitatif pour d’autres : ce n’est pas ainsi qu’on va redorer le blason d’une profession en mal de notoriété. Il est sain qu’une profession puisse se moquer d’elle-même. Peut-on aller jusqu’à rire des usagers ? Le débat est lancé …

Claudy Sarrouy a pris une disponibilité pour tourner avec son spectacle. Son ambition, c’est avant tout de se produire devant des professionnels : Conseils généraux, CCAS, pourquoi pas écoles de service social, sans oublier la version théâtre d’appartement devant un groupe d’amis …

Contact : Claudy Sarrouy 26 rue du docteur Laënnec 91860 Epinay sous Sénard –Tél. : 01 60 47 01 50


Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°520 ■ 24/02/2000