Réseau ADO 66

Coordination à tous les étages

Articuler de manière pérenne et permanente des partenaires de la protection de l’enfance et du médico-social, beaucoup en ont rêvé. Le Réseau ADO 66 l’a fait !

La culture commune qui s’est déployée dans les Pyrénées orientales est sans doute unique en France. L’éparpillement traditionnel de l’action médicale, éducative et sociale en une kyrielle d’administrations, d’institutions, d’associations, d’établissements et de services constitue toujours un frein potentiel, chacun défendant son pré carré, revendiquant sa parcelle de pouvoir et se méfiant du risque d’empiétement sur son territoire. Ces réflexes ont pu être dépassés ici : « notre département étant sous doté en équipements, la solidarité entre les partenaires était vitale pour permettre à chacun de faire face à ses missions », avance Sandrine ANDRÉ, Coordinatrice du Réseau ADO 66 comme explication possible. Cette instance originale naît en 2006 de l’étroite collaboration entre le sanitaire, le médico-social, l’Éducation Nationale, le Conseil Général et la Justice. Chacune des parties prenantes est représentée à tous ses niveaux d’intervention. C’est le cas du Conseil d’administration impliqué dans la gestion globale du dispositif : il regroupe les directeurs généraux et les présidents. Ça l’est aussi du Comité de pilotage où se côtoient les directeurs, les chefs de service et les cadres supérieurs de toutes les structures participantes : il définit les axes stratégiques, à partir des thématiques qui impactent directement le travail des professionnels de terrain. Il en va tout autant du Comité technique constitué de professionnels de tous les secteurs impliqués, experts dans leur domaine : il se réunit un jeudi par mois et étudie trois situations qui lui sont soumises. Il en ressort non seulement des hypothèses et des pistes d’action proposées à l’intervenant qui a présenté la problématique en souffrance, mais aussi des possibilités d'engagements de chaque partenaire. À l’image de cet adolescent bénéficiaire d’un maillage dans lequel prirent place un ITEP, un Lieu de Vie, le Foyer de l'enfance, un dispositif d'accueil de jour et d'insertion, une famille d'accueil séquentielle, l'ASE et un centre hospitalier spécialisé. Chacun accepta de l’accueillir en demi-journée, le prendre en charge plus de trois heures d’affilées constituant un défi impossible à relever ! Quand chaque équipe sait, par expérience, qu’elle risque l’échec si elle reste seule face à une situation ingérable, naît alors une puissante motivation à se mettre tous autour d’une table, pour envisager une co-intervention. D’autant que de servir de relais entraîne, à charge de revanche, d’être épaulé à son tour, quand on est soi-même en difficulté. Mais, cette réciprocité n’est pas le seul avantage induit. Au cours des années, une relation de confiance s’est tissée, l’interconnaissance s’est approfondie et l’habitude s’est installée entre partenaires, grâce à l’articulation des prises en charge. L’interface entre les 18 partenaires partie prenante de ce dispositif peut constituer une gageure. Y a-t-il un pilote dans l’avion ? C’est la Cellule de coordination qui s’en charge (composée des trois seuls salariés du Réseau ADO 66). C’est elle qui anime le Conseil d’administration, le Comité de pilotage et le Comité technique. C’est aussi elle qui assure le suivi des situations étudiées, qui facilite les liens entre les instances et qui intervient pour réduire les délais dans les prises de rendez-vous du jeune auprès des partenaires. C’est encore elle qui veille à la concrétisation effective des relais de prise en charge, qui formalise les outils communs et assure le partage des pratiques et des informations entre les différents intervenants. Fonction essentielle, s’il en est, sans laquelle les engrenages pourraient très vite se mettre à gripper. La logique adoptée ici est celle de la clinique indirecte : il n’y a jamais de rencontre directe avec le jeune, mais seulement avec les professionnels qui sont en contact avec lui. Fort de plus de dix ans d’existence, le retour sur expérience a montré combien les 20 à 25 situations nouvellement incluses chaque année (pour une file active de 140 situations) le sont en dernier recours, quand les équipes ont épuisé toutes les solutions possibles et que les jeunes ont tout mis en échec. Du groupe de travail mis en place pour réfléchir à cette difficulté a émergé un nouveau protocole, « l’inclusion préventive », destinée à intervenir bien en amont d’une détérioration potentielle. Ce groupe de travail n’est pas le seul. Il s’en constitue régulièrement, au gré des besoins qui se font sentir et pour lesquels il y a nécessité d’une réponse. Ce n’est pas un hasard si l'Association ADO 66 a été choisie par l’ARS pour porter la future Maison des adolescents des Pyrénées orientales. Mais cette nouvelle institution, qui s’adressera à un large public, ne saurait remplacer le précieux outil créé il y a plus de 10 ans et défendu tant par les professionnels que par les institutions, en charge d’une population très spécifique dont 85 % bénéficient d’une double prise en charge en protection de l’enfance et en médico-social.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1217 ■ 16/11/2017