Le combat contre la circoncision rejoint-il celui contre l’excision ?

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Il fut un temps où l’excision et l’infibulation, ces mutilations génitales consistant dans l’ablation du clitoris et la suture des petites et grandes lèves du sexe féminin, étaient légitimées par certains ethnologues.

J’en veux pour preuve un épisode de ma formation professionnelle au cours de laquelle, je m’étais vu accuser d’ethnocentrisme, parce que j’avais osé protester en plein cours contre ces pratiques que je trouvais attentatoires à la dignité humaine.

Nous étions au début des années 1990. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. Heureusement, plus grand monde ne défend ces terrifiantes pratiques, sauf les partisans d’une coutume rétrograde et les traditionalistes de toutes obédiences religieuses qui n’ont d’ailleurs fait qu’hériter de ces atrocités ancestrales, les assimilant à leur corpus de croyance au passage. Elles sont encore près de 200 millions, ces filles et ces femmes à avoir subi dans le monde cette amputation physique. Le combat mené contre cette horreur gagne du terrain, année après année, même si les progrès restent bien trop lents.

 

L’origine de cette ignominie semble remonter à la nuit des temps. On l’identifie d’abord comme l’une des pires manifestations de la domination patriarcale sur le corps de la femme sensé devoir rester propriété de l’homme. Mais, cette explication mérite d’être complétée. Ainsi, « les anciens Bambaras, Malinkés, Dogons, pensaient que l’enfant, à sa naissance, est à la fois mâle et femelle. Pour « s’installer » dans son sexe, le garçon doit perdre son prépuce, siège de sa féminité, et la fillette son clitoris, siège de sa masculinité », explique le site d’« Enfance majuscule » (https://bit.ly/3PrgmPL).

 

Le lecteur aura remarqué que l’explication ainsi donnée établit un parallèle entre deux altérations sexuelles : la clitoridectomie chez la petite fille et la circoncision chez le petit garçon. Il m’aura fallu plus de trente ans, après mon esclandre en plein cours d’ethnologie de ma formation initiale, pour prendre conscience des séquelles physiologiques et psychologiques de cette opération traditionnelle « privilège » accordé aux enfants de sexe masculin à peine nés, que j’avais banalisée, comme sans doute beaucoup. Et ce, grâce à un documentaire édifiant, diffusé sur Arte depuis le samedi 26 juillet, sur une pratique qui concerne, certes, les croyants du culte juif et musulman, mais aussi … 81 % des américains : « La circoncision : une ablation qui pose question » ! Dénonciation d’interventions abusives qui ne sont vraiment médicalement indispensables que dans moins d’1 % des cas ; diagnostic des graves séquelles inhérentes à ces opérations chirurgicales ; évocation des stupéfiantes campagnes de grande ampleur de l’Organisation mondiale de la santé dans quinze pays d’Afrique pour inciter à pratiquer massivement cette opération sensée prévenir contre le SIDA ; actions collectives et individuelles menées pour dénoncer cette mutilation ; témoignages de pratiquants du culte judaïque et musulman s’opposant à cette coutume et proposant des alternatives respectant à la fois leur spiritualité et le corps de l’enfant ; … de quoi alimenter un débat qui attend maintenant une contre-argumentation des partisans de la circoncision !

 

La revendication du droit à préserver l’intégrité du corps humain en général et celle des parties génitales quel que soit le sexe a déjà été reconnue pour les filles. Va-t-elle devenir, dans les années à venir, aussi légitime pour les garçons ? On est là au cœur de la défense des droits de l’enfant.

 

A voir sur https://www.arte.tv/fr/videos/089058-000-A/la-circoncision  du 23/07/2022 au 20/10/2022

 

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ Site ■ 28/07/2022