A quand le dépôt de bilan de l’ASE?

La presse s’en est fait récemment l’écho. Les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) perdraient jusqu’à 20 ans d’espérance de vie avec le risque de « développer deux fois plus de maladies cardio-vasculaires, de cancers, d’AVC, trois fois plus d’insuffisances respiratoires, 11 fois plus de démences, il y aura 37 fois plus de syndromes dépressifs et de tentatives de suicide... », affirme le Docteur Céline Gréco, cheffe du service médecine de la douleur et palliative à l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris (AP-HP). (1)

Pour se représenter ce que ces enfants peuvent vivre, la journaliste Elodie Guéguen reprend à son compte une métaphore des plus éclairantes : « quand un homme croise un ours en forêt, et qu’il est pris de panique, son organisme sécrète du cortisol et de l’adrénaline qui lui seront nécessaires pour combattre l’animal ou pour le fuir. Mais que se passe-t-il s’il croise un ours tous les jours ? » (1)

Comment l’Aide sociale à l’enfance répond-elle à cette mise en danger ? Le magazine Interception nous a proposé, le 21 avril dernier, un reportage édifient montrant un dispositif à au bord du précipice. (2) Rien de neuf pour les familiers de la protection de l’enfance, mais une découverte peut-être, pour un plus large public ?

De fait, c’est une réalité récurrente que traverse l’ASE dans notre pays. Des nouveau-nés restant des mois à la maternité hospitalière, parce que retirés à des parents maltraitants, il n’y a pas de place en famille d’accueil ou en pouponnières pour les accueillir ; des enfants changés incessamment de lieux d’accueil sans qu’il soit possible de leur trouver un placement pérenne ; des dispositifs d’urgence saturés gardant des mineurs sur des années, alors qu’ils sont censés être là d’une manière transitoire ; des adolescent(e)s logé(e)s dans des chambres d’hôtel ou des gîtes d’enfants, alors qu’ils (elles) devraient être accueilli(e)s dans des espaces dédiés à leurs difficultés ; des centres médicopsychologiques spécialisés dans le soin des troubles psychologiques des enfants … aux listes d’attente de parfois trois ans ; des services psychiatrie infantile exsangues ; des mineurs sédatés au Rispordal, dans l’attente d’un hypothétique suivi thérapeutique, etc … Face à ces conditions de vie qui se dégradent pour les enfants confiés, les rangs des professionnels de l’ASE s’étiolent : démission, épuisement, découragement, renoncement à faire face à l’impossible  dans des institutions confrontées à l’impuissance … Le tableau est des plus inquiétants.

Sur quel ton faudra-t-il le crier ? Quels arguments faudra-t-il encore utiliser ? Quel déclic sera nécessaire ? C’est toute une fraction de notre jeunesse qui est sacrifiée. Celle qui viendra remplir les hôpitaux psychiatriques qui débordent déjà, le trop plein se retrouvant à la rue ou dans les prisons.

Mais, l’essentiel n’est pas là. Vous n’avez rien compris ! Le plus important est ailleurs.

« L’ordre, l’ordre, l’ordre » proclamait notre Président à l’été 2023. Commençons par consacrer 360 millions d’euros pour doter chaque élève d’un uniforme d’ici à 2026. Le rétablissement de l’autorité a un coût, mais n’a pas de prix.

Augmenter les dépenses sociales ? Vous n’y pensez pas ! Il faut revenir aux 3% de déficit. Le ministère des finances projette déjà de faire 60 milliards d’euros d’économie d’ici à 2027. Vous avez aimé la pénurie de moyen de l’action sociale ? Vous allez adorer son dépôt de bilan.

Et puis, cessons de geindre et soyons plutôt fiers de cette belle France qui accueille les jeux Olympiques, vitrine de ce que notre patrie fait de mieux : l’idéologie de la compétition, la valorisation du rendement et bien-sûr les couilles en or des organisateurs.