Jusqu’où va l’humour ?

L’éviction de Guillaume Meurice, cet humoriste de France Inter ayant confondu prépuce juif et nazisme, relève-t-il d’une dangereuse censure ?

Comparer Netanyahou à un nazi ne semble pas choquant. On peut être sioniste et coupable de crimes de guerre. Comme on peut être sioniste et dénoncer avec la dernière vigueur ces atteintes aux principes élémentaires de l’humanité. On peut dénoncer la répression colonialiste sanglante de cet État, tout en rejetant avec la même force les crimes de guerre tout aussi révoltants commis par un Hamas intégriste et théocratique.

Pour autant, fallait-il stigmatiser la judéité du premier ministre Israélien, reproche Sofia Haram ? Alors même que s’il y a bien une universalité que toutes les tyrannies de l’histoire ancienne, actuelle et future partagent, c’est bien la même sauvagerie, la même tyrannie et la même inhumanité. Et ce quelles que soient la nationalité, la couleur de la peau ou la religion ! Dans cet humour à double tranchant, où s’arrêtent la malice, la verve et la dérision ? Et où commencent le persiflage méprisant, l’humiliation dégradante et l’affront vexatoire ?

Vaste débat qui n’a pas fini de diviser l’opinion publique, les humoristes et les lecteurs de cette chronique. En général, ce sont les humoristes du camp adverse qui nous horripilent. Et si un Guillaume Meurice m’a toujours fait hurler de rire, il m’a suffi de trente secondes avant d’interrompre le sketch d’un Gaspard Proust sévissant sur Europe n°1. Qu’il y reste et que je garde ma liberté de ne pas avoir à l’écouter !

Il est peut-être néanmoins possible d’esquisser une règle de conduite. Moquer les puissants, les dominants et les oppresseurs relèvent plutôt d’une mesure de salubrité publique. S’attaquer aux minorités opprimées, en renforçant les préjugés qui les stigmatisent pourrait bien être assimilé à une forme de complicité avec les violences subies.

La situation se complique quand il y a inversion du stigmate et utilisation du mépris pour affirmer sa fierté. C’est là où la phrase attribuée à Pierre Desproges prend tout son sens. L’humoriste aurait affirmé que l’on pouvait rire de tout, mais pas avec  n’importe qui ! Quand Popec excelle dans l’humour juif, il me fait rire. Quand une blague antisémite circule, j’explose de colère. Quand un black s’adresse à un autre black en l’appelant affectueusement « négro », j’observe une grande neutralité. Jamais je ne prononcerai ce mot, en tant que blanc. Quand un homosexuel proclame : « je suis pédé », son propos lui appartient. Je le récuse de mon vocabulaire.

Une exception à cette règle, toutefois. Il y a certains dogmatismes religieux ou laïcs qui, bien que minoritaires, cultivent l’intolérance en incitant à la violence contre toutes celles et tous ceux qui n’adhèrent pas à leur croyance. S’il n’est rien de plus respectable que de vivre une foi spirituelle, tout intégrisme cherchant à s’imposer au reste de la société qu’il soit musulman, chrétien ou juif mérite et justifie pleinement d’être ridiculisé, raillé et vilipendé.