Faut-il les laisser faire ?

Un professeur d’histoire d’un lycée de Manosque présente à ses élèves de seconde, dans le cadre de son cours d’instruction civique, un film anti-IVG et distribue des tracts stigmatisant la loi Veil qui légalisa ce droit en 1975. Le 24 novembre 2010, il est suspendu à titre conservatoire pour quatre mois, en attendant l’ouverture d’une procédure disciplinaire. La décision finale est tombée, le 2 avril : il est révoqué. En faisant le choix de mettre en avant ses convictions religieuses, cet enseignant a transgressé le sacro saint principe de la neutralité de l’école. Soutenu par les ligues anti-avortement, il passe pour un martyre. Mais il apparaît comme un dangereux prosélyte, pour les tenants de la laïcité. En ces temps où toute critique portée à un système idéologique ou religieux, quel qu’il soit, vous vaut une accusation de discrimination, cette décision est bienvenue. Elle montre l’actualité de la lutte contre l’intolérance, le sectarisme ou le fanatisme d’où qu’ils viennent. Au-delà de cet évènement, émerge une question qui ne peut que tarauder les adeptes de la liberté d’expression : la démocratie ne se renie-t-elle pas elle-même en refusant à ses adversaires la possibilité de s’exprimer ? Entre un Voltaire affirmant « je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » et le cri d’un Saint Just « pas de liberté aux ennemis de la liberté », il n’est pas facile de choisir.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1014 ■ 14/04/2011