Folie furieuse outre Manche

L’enquête « Les enfants volés d'Angleterre » (1) décrit une situation inconcevable. Le « Children Act », loi votée par le législateur anglais en 1989, autorise les services sociaux à retirer un enfant de sa famille, dès lors qu'une probabilité de mauvais traitement peut être démontrée. Non qu'un acte malveillant ait été commis, mais on suppose qu'il pourrait l'être ! Un mineur porte des traces suspectes ? Toute la fratrie est aussitôt retirée. Un couple trop marginal attend son premier bébé ? Le retrait se fait à l'accouchement, les grossesses suivantes étant menacées du même sort. Une mère est supposée fragilisée par un handicap ou par une enfance passée en famille d'accueil ? Il n'en faut pas plus pour l'invalider en tant que parent. On applique le principe de précaution : le retrait est programmé dès la naissance. L'enquête sociale permettant d’évaluer le risque dans ces familles dure six semaines. A l'issue de ce délai, la justice tranche. En cas de confirmation du soupçon, l'enfant est proposé à l'adoption, faisant l'objet d'un film promotionnel et d'une présentation sur un catalogue en papier glacé, à visage découvert. C'est que tous ces enfants placés, ça coûte cher ! Il faut les faire sortir au plus vite du dispositif de protection de l'enfance. Les Comtés en charge de cette tâche (l'équivalent de nos Conseils départementaux) sont incités à atteindre les quotas d'adoption qui leur sont fixés, les montants des dotations d’État variant en conséquence. Un soupçon ? Un placement. Des foyers et familles d'accueil trop chers ? Une adoption. Cette mission de service privée confiée à huit agences d'adoption privées cotées en bourse ? Il faut bien alimenter ce marché lucratif en plein essor qui a rapporté 450 millions de £ de profit en 2015 : 300 % d'évaluation de mauvais traitement en plus ces dernières années. Ce reportage est-il un « Protection de l’enfance bashing » de plus ou nos collègues outre-Manche ont-ils totalement perdu la tête ?

(1) documentaire de Pierre Chassagnieux et Stéphanie Thomas diffusé sur la 5 (15/11/16)

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1198 ■ 05/01/2017