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L’évacuation de la Jungle de Calais aura été l’occasion d’ouvrir le bal des égoïsmes et de la haine, auxquels ont répondu la solidarité et la fraternité. « Qui habite la troisième maisonnette ? » s’interroge l’historien Timothy Snyder (1), décrivant une jeune femme de 19 ans, survivante d’un charnier nazi en Littuanie. Jetée dans une fosse commune sans avoir été achevée, elle tente de trouver refuge dans l’une des maisons proches. C’est la troisième qui s’ouvre, ses habitants n’écoutant que leur générosité, ce au péril de leur vie. « Celui qui sauve un seul homme, c'est comme s'il avait sauvé l'humanité », affirme un proverbe du Talmud et du Coran. Les habitants de cette troisième maison l’ont appliqué, sans jamais peut-être en avoir eu connaissance. Un petit nombre de nos compatriotes lui préfèrent manifestement : « celui qui voit l’autre crever, doit surtout se préoccuper de lui-même ». Et d’aller vomir leur fiel, en taguant les murs des centres d’accueil ou en les criblant de coups de fusil. D’autres dressent des banderoles de bienvenue et applaudissent des réfugiés quand ils arrivent, offrant leur aide et leur soutien. Une députée leur a même écrit : « Je ne sais pas qui tu es, ni d’où tu viens. Je ne sais pas ce que tu fuis : la guerre ? La faim ? La torture ? Le souci des tiens confrontés à l’extrême pauvreté ? Je sais que forcément ce fut pour toi un déchirement absolu de quitter ta famille, ta maison, ton métier. Pour venir chez nous, tu as affronté la cupidité des passeurs, les mers, le froid, la rue (…) Pour répondre à la haine qui a pu se manifester, je peux te redire que nous n’avons pas peur de vous. Toi et les tiens, vous êtes nos amis, nos frères, des êtres humains, avec vos force et vos faiblesses » (2). A chacun(e) d’entre nous de décider de détourner la tête face aux 3.800 personnes qui se sont noyées en méditerranée depuis début 2016, en tentant de fuir la guerre, les massacres et les persécutions ou d’être la troisième porte à s’ouvrir.

 

(1)  « Terre noire. L'Holocauste, et pourquoi il peut se répéter » Timothy Snyder, Gallimard, 2016
(2)  http://www.moniquerabin.fr/

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1195 ■ 10/11/2016